Regroupe trois villages: GIGEAN, POUSSAN et MONTBAZIN
Père Bogdan LESKO, curé.

ANNONCES DU 21 AU 29 SEPTEMBRE 2024

(Historique de l'agenda)

 182. Jb 38, 1. 8 - 11, XII Dimanche du Temps ordinaire, B, Réflexion 2024

Sœurs et Frères

    Vous attendez certainement aujourd’hui que je vous livre, comme d’habitude, une réflexion sur la première lecture tirée de l’Ancien Testament. Vous avez raison ! Et ce dimanche, je suis particulièrement content de le faire pour vous – sourire. Inutile de me demander de « changer d’auberge » - clin d’œil. En effet, notre texte apporte des réponses précises à des questions que vous vous posez tous. Il s’agit du livre de Job – un vrai « bijou » de l’Ancien Testament. Et je ne parle pas seulement de notre récit qui nous dévoile que Dieu est le Souverain de la nature ; dans notre évangile d’ailleurs, le Christ a aussi cette prérogative divine. Si le livre de Job est qualifié de « joyau », c’est parce qu’il aborde un problème majeur de notre condition humaine, et qu’en même temps, il n’apporte pas de réponse à cette question. Il s’agit de la souffrance sans cause, qui touche tôt ou tard le cœur de chaque être, il s’agit de l’expérience des injustices de ce monde, qui affectent notre existence en tous domaines : la mort d’un enfant, la maladie, la haine, la ruine matérielle, etc... Tout cela, sans distinction de religion, de convictions ou de situation sociale.

    Quelqu’un pourrait me dire : « P. Bogdan quel est l’intérêt d’aborder un livre, un texte biblique, qui ne donne pas de réponse concrète à telle ou telle question ? » Je répondrai, mais procédons par ordre.

Tout d’abord, il faut savoir que le livre de Job fait partie, dans notre Bible catholique, des « Livres poétiques et sapientiaux de l’Ancien Testament » (on pourrait dire aussi « livres de sagesse » : Job, Psaumes, Proverbes, Qohèleth ou Ecclésiaste, Cantique des cantiques, Sagesse, Ecclésiastique ou Sirac). Ces livrets de sagesse sont écrits dans le style de la littérature du Proche-Orient antique qui s’est penchée, en général, sur les questions du sens de la vie et de l’existence du mal. Et ils ont fait cela de façon « poétique ». Il va de soi que l’auteur (il y en a eu plusieurs) du livre de Job, inspiré par l’Esprit de Dieu, aborde aussi ces questions essentielles pour les hommes de toute époque et de toute religion.


    Toutefois notre texte est écrit par un Juif, dans un contexte important pour ce peuple, et en référence au Dieu unique. L’introduction au livre nous précise : « Après la catastrophe de 587 av. J.C., les Judéens exilés en Babylonie avaient tout perdu. Leur désarroi amenait certains à retirer toute valeur à l’existence et mettait en cause leur foi en la justice de Dieu. Se servant de l’histoire bien connue du misérable Job (Ez 14,14.20), un poète de la deuxième génération de l’Exil (vers 575 av. J.C.) composa le poème (Jb 3,1-31,40; 38,1-42,6) dans un but pastoral et prophétique, semblable à celui de son prédécesseur Ézéchiel (vers 592-580 av. J.C.). Il mit en scène le héros qui souffrait sans cause et trois de ses amis, afin de discuter poétiquement la valeur de l’existence et les droits de l’homme à la justice humaine et divine (Jb 31,35-37). Le Seigneur lui-même offre au héros l’occasion de se défendre et de condamner la conduite divine (Jb 40,8-14) mais Job refuse de relever le défi et simplement se repent de sa propre présomption (Jb 42,1-6). Le poème s’achève donc sur la reconnaissance de la sainteté divine, sainteté qui dépasse infiniment l’imagination des hommes et même les notions qu’ils se font de la providence et de la bonté de Dieu. Il suggère aussi une notion du péché qui transcenderait une distinction trop simpliste entre bien et mal, distinction où perce l’ambition égocentrique d’un homme vertueux. »¹ Bref, le livre de Job n’explique pas l’existence de la souffrance dans le monde. Au contraire, il confirme que la souffrance injuste touche toute vie, même celle des gens bien comme Job. Et même à l’époque du Christ, quelques siècles plus tard, cela n’était pas évident ! (cf. Jn 9,1-2n).

    Nous aussi, nous sommes souvent sans réponse face au mal et à la souffrance, dans nos familles et dans notre monde. Par contre, l’homme de l’Ancien Testament avait cette aptitude à reconnaître la souveraineté de Dieu. Face aux épreuves, il était capable de se poser cette question (apparemment choquante) - « Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? » (Jb 2,10). Autrement dit, pour l’homme de la Bible, Dieu était la référence pour chaque circonstance de sa vie. Il concevait son existence en référence à Dieu son Créateur. Il n’en va pas de même pour ceux qui, dans leur détresse, n’ont d’autre référence qu’eux-mêmes. En effet, ce qui permet à chacun de « sortir » de l’accablement où il est plongé, c’est de se livrer à l’« autre », avec ses limites et ses faiblesses. C’est de cette manière que nous trouverons le chemin de la libération – pas forcément la compréhension de notre souffrance, mais la vie « malgré tout ». Pour des gens qui ne croient pas en Dieu, cela peut passer par un psychothérapeute, une philosophie ou le témoignage de quelqu’un qui a vécu « la même chose » et qui « s’en est sorti ».
    Mais pour nous, les disciples du Christ, c’est Dieu, avant tout, qui nous offre toujours la vie en plénitude, adaptée à chacune et chacun. Dieu, qui « n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Lc 20,38). Dieu, vers qui nous pouvons toujours crier, comme les apôtres de l’évangile : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »

Bon Dimanche à chacune et chacun de vous,
Votre frère, Bogdan

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¹voir l’introduction au livre de Job de la TOB - Traduction œcuménique de la Bible, édition Cerf 2012.