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Dieu et la science : « Cette effervescence montre que le sujet ne laisse pas indifférent ». Tribune La Croix, Jean-Pierre Maillard, le 30.06.2022


Jean-Pierre Maillard
Directeur de recherche émérite, Institut d’Astrophysique de Paris - IAP
L’astrophysicien chrétien Jean-Pierre Maillard revient sur le succès du livre Dieu, la science, les preuves et souligne le nombre de réactions qu’il suscite. Comme le jésuite François Euvé, il pense que l’on peut trouver dans les découvertes scientifiques des « signes » de l’existence de Dieu, sans les confondre avec des « preuves ».

Jean-Pierre Maillard, le 30/06/2022 à 11:52
Lecture en 3 min.
Dieu et la science : « Cette effervescence montre que le sujet ne laisse pas indifférent »
« D’un point de vue théologique, si Dieu est transformé en une réalité accessible à la science, il perd alors sa transcendance. »

L’ouvrage de M.-Y. Bolloré et O. Bonnassies, Dieu, la science, les preuves paru à l’automne 2021, a réactivé le débat sur les rapports entre science et foi. Tandis que les auteurs multiplient les interviews, leurs conclusions sont discutées par plusieurs conférences et articles publiés. Ainsi, une tribune est parue dans La Croix sous le plume d’un prêtre de formation scientifique, Thierry Magnin, qui a suscité plusieurs courriers de lecteurs. Dans le même temps, le physicien essayiste, professeur émérite de l’université de Nice, J.-M. Lévy-Leblond faisait paraître dans Ciel & Espace un article Dieu et la science, les preuves à l’épreuve et le numéro de mars de l’Astronomie, la revue de la Société astronomique de France, contenait l’opinion de deux collègues astronomes, Dieu et la science, un vain débat.

Mardi 21 juin au soir, Lévy-Leblond, invité par l’Union rationaliste, reprenait dans une conférence à l’IAP l’article qu’il avait publié en janvier 2022. Et le même soir, le théologien François Euvé, s.j., physicien de formation, présentait à la librairie La Procure à Paris le livre qu’il venait de publier, La Science, l’épreuve de Dieu ?, que le bandeau présente comme une « réponse au livre Dieu, la science, les preuves ».

Un sujet qui ne laisse pas indifférent
J’ai suivi ces échanges car, chercheur en astrophysique et aussi chrétien pratiquant, j’ai depuis longtemps mené une réflexion autour de la science que je pratique et la foi que je confesse, me conduisant à donner des conférences. Cette effervescence indique pour le moins que le sujet ne laisse pas indifférent.

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Pour résumer brièvement, les deux auteurs soutiennent la thèse que les résultats de la science moderne, particulièrement ceux de l’astrophysique, remettent en question une explication purement matérialiste de l’univers et ouvrent « une nouvelle révolution » où la science, au lieu de combattre Dieu, devient « sa nouvelle alliée ». Le livre vise à démontrer, en rassemblant des données scientifiquement établies, que pour la première fois elles offrent la preuve de l’existence de Dieu. Ils citent par exemple les observations récentes qui permettent de déduire la date précise de l’événement originel du big bang, qu’ils rapprochent du premier verset de la Genèse, « Au commencement, Dieu créa le Ciel et la Terre », écrit huit siècles avant notre ère, au sein du peuple hébreu qui seul dans un monde polythéiste affirme sa foi dans le Dieu unique.

Avec une sélection d’autres données et de questions que la science ne sait pas résoudre, comme celle de l’origine de la vie, en ajoutant dans une deuxième partie « Les Preuves hors science », avec le destin du peuple juif, la personne de Jésus, les auteurs disent construire une démonstration objective de l’existence de Dieu.

Deux réponses
En réponse à la première partie, ignorant la seconde dont il ne voit pas l’objet, Lévy-Leblond considère ces « preuves » comme des « fourvoiements scientifiques », les questions encore non résolues étant juste en attente de nouveaux développements. Il rappelle que l’abbé Lemaître, le père du modèle du big bang, faisait une distinction entre le commencement naturel du monde et l’acte créateur de Dieu. D’ailleurs, d’un point de vue théologique, si Dieu est transformé en une réalité accessible à la science, il perd alors sa transcendance.

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Il conclut que cette entreprise n’est qu’un « éternel retour du concordisme », manière de récupérer la science, à replacer dans le contexte « d’une offensive politique et idéologique de la droite ultracatholique ». Sans entrer dans ce dernier point, qui relève d’une opinion, ces critiques sévères doivent être prises en compte. Le recours à des « preuves » possède une efficacité médiatique qui n’a sans doute pas échappé à l’éditeur de cette publication, spécialisé dans l’ésotérisme et les arts divinatoires. Dès lors, faut-il recommander ce livre à ceux que les rapports actualisés entre science et foi interrogent ?

Des preuves ou des « signes »
Le dernier ouvrage du théologien François Euvé me paraît plus juste. Présenté comme la réponse au livre en question, il aborde le problème en réexaminant dans le contexte de la science moderne la question fondamentale du rapport entre la science et Dieu. Il rappelle d’abord l’autonomie nécessaire de la science par rapport à tout principe divin. Mais dans la Bible, le peuple hébreu déchiffre l’action de Dieu à travers son histoire. Tout chrétien est appelé à faire de même dans l’examen de sa vie. De même, les découvertes nouvelles en astrophysique, en biologie ou d’autres sciences, peuvent fournir au croyant des « signes » d’une origine divine, respectant l’autonomie de la science et le mystère de Dieu, en précisant que « des signes ne sont pas des preuves ». Ils demandent « une interprétation qui engage la liberté de l’interprète ».

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Dans la conférence que j’ai construite sur « Dieu et le cosmos », j’écris : « La connaissance moderne de l’univers nous permet d’appréhender l’extraordinaire beauté manifestée par la complexité des galaxies, des étoiles, des systèmes planétaires, de la vie sur Terre, d’où naît une étonnante diversité de composantes, de formes, de structures. » Ce sont autant de « signes » qui ouvrent la voie au dialogue « entre la science et la foi », dont je conclus que cette lecture se traduit pour moi en louanges.