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“Dieu, la science, les preuves” : « Le Dieu de Jésus-Christ n’est certainement pas un grand horloger ». Thierry Magnin, La Croix le 10.01.2022

Tribune TRIBUNE. Pour le théologien et physicien Thierry Magnin, le livre Dieu, la science, les preuves de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies (Guy Trédaniel, 2021) prend le risque de confondre les domaines de la science et de la foi, et de faire de Dieu un fabricant tout-puissant de l’univers.
Thierry Magnin, le 10/01/2022 à 12:53 Modifié le 10/01/2022 à 16:02
Lecture en 4 min.
“Dieu, la science, les preuves” : « Le Dieu de Jésus-Christ n’est certainement pas un grand horloger »
Le théologien et physicien Thierry Magnin donne des clés pour lire le livre de de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies « Dieu, la science, les preuves ».


FRED THORNHILL/AP
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Comment lire le livre Dieu, la science, les preuvesparu cet hiver ? Son premier mérite, c’est de nous proposer tout un parcours historique pour mettre en lumière le fait que, après la croissance, au cours du XIXe puis au début du XXe siècle, des courants scientistes – selon lesquels la science est la seule source fiable de savoir sur le monde, cette attitude s’est trouvée largement remise en cause et questionnée par l’évolution même des découvertes scientifiques. L’ouvrage passe ainsi en revue toutes ces avancées scientifiques qui ont introduit de la complexité, de l’incomplétude dans la démarche scientifique, que ce soit en thermodynamique, en mécanique quantique, ou encore en science de la nature, ou avec le principe entropique en astrophysique.

De par son propre mouvement, chacune des sciences montre que « le fond des choses », le principe premier, lui échappe. Que l’on ne peut donc faire de la science l’origine de tout et l’explication de tout. Le scientisme pur et dur triomphant du début du XXe siècle se trouve mis à mal par toute l’évolution de la recherche scientifique depuis un siècle.

Une nouvelle définition de l’objet scientifique
En soi, cela n’a rien de neuf. Ces découvertes étaient déjà connues, depuis déjà les années 1980-2000. On se trouve effectivement désormais devant une nouvelle définition de l’objet scientifique : un objet que l’on n’étudie pas « en soi », mais dans ses relations, ses interactions avec les autres (épistémique), et aussi avec le sujet qui étudie.

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→ À LIRE AUSSI. Un dialogue parfois difficile entre science et foi

Dans la complexité d’aujourd’hui, il y a donc de l’incertitude et de l’incomplétude. Mais cela ne signifie pas pour autant que la science est délégitimée, on ne peut pas parler de défaite de la raison scientifique. Simplement, cette incomplétude est devenue la condition même de l’exercice du scientifique. De ce fait, une vision totalement matérialiste est difficile à tenir. En ce sens-là, je suis d’accord avec l’idée, promue par le livre, que les découvertes récentes nous questionnent sur « le fond des choses ».

Mais doit-on voir, comme le prétend cet ouvrage, dans cette incomplétude les preuves de l’existence de Dieu ? Non, car on confond alors les domaines. Le principe entropique, dont parle le livre, pose un questionnement. Mais il ne prouve pas qu’il y aurait « derrière les choses » un Dieu qui aurait ajusté les mécanismes de l’Univers et du vivant. Et le Dieu de Jésus-Christ n’est certainement pas un Dieu « grand horloger ».

Ne pas confondre les domaines de la science et de la foi
Au fond, ce questionnement de la science actuelle permet de relancer le dialogue entre Foi et science. Mais ce dialogue doit prendre garde à bien articuler ces domaines, et non les confondre. Par exemple, lorsque nous examinons le rapport entre la Création, au sens biblique, et l’évolution, au sens darwinien. Les deux processus ne se situent pas sur le même plan et ne doivent donc pas être confondus.

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Teilhard, homme de science et de Dieu

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La Création est dans l’ordre de la transcendance. En quelque sorte, tout ce qui est « existe » car Dieu le fait être. Alors que le principe de l’évolution nous apprend que tout ce qui est apparu dans le cours de l’histoire de la vie est le fruit de la transformation de l’énergie et de la matière. Il faut donc parvenir à articuler ces deux actions, sans les confondre. Teilhard de Chardin a une belle expression : « Dieu fait les choses se faire. » Dieu ne prend pas son tournevis. Il donne les conditions pour que les choses se fassent. Surtout, le Dieu de l’Alliance donne une autonomie aux créatures, qui poursuivent la création. Dieu n’est ni le fabricant ni le grand horloger. Il crée par sa Parole, dans un Amour gratuit.

Dieu n’est pas un fabricant
Jean-Paul II, dans l’encyclique Fides et ratio, met bien en évidence ces différents niveaux. Il est vrai que l’on peut regretter la tendance de notre société à séparer de manière étanche le domaine de la foi et celui de la science, tendance qui touche d’ailleurs les catholiques eux-mêmes : on est croyant dans l’Église, scientifique dans son laboratoire. C’est faire preuve de fidéisme, et je comprends que le livre veuille lutter contre cela, dans une société qui se méfie du religieux. Mais entre une forme de concordance, qui ramène toute la science à Dieu, et un fidéisme, selon lequel la raison ne nous apprend rien sur la nature vraie des choses, il y a une articulation à faire, dans le respect des différents domaines.

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En particulier dans le domaine de la théologie : Dieu n’est pas un fabricant. C’est un Dieu de l’Alliance, qui a créé un monde inachevé, que les créatures doivent continuer. Comme le dit joliment Basile de Césarée : « Dieu a permis à l’homme d’entrer dans l’atelier de la création divine. » Mais il est différent d’une sorte d’intelligence supérieure, « d’intelligent design » qui conduirait inéluctablement le paquebot de l’Univers et de l’humanité. Ou plutôt, c’est l’intelligence de l’amour et du don gratuit, qui inspire et attire cette évolution (d’alpha à oméga). C’est tout le risque de la foi, et de la liberté qu’elle nous donne.

La science ne prouve pas l’inexistence de Dieu, et en cela, le livre a raison. Mais l’inverse est vrai aussi : la science ne prouve pas plus l’existence de Dieu. D’ailleurs quelle serait la foi en un Dieu dont on aurait la preuve scientifique ? Ce ne serait pas la foi… En revanche, nous devons savoir rendre compte de notre foi avec des arguments rationnels, notre raison, dans le contexte des découvertes scientifiques notamment. Parler de l’intelligence du Dieu créateur. Être croyant n’est pas irrationnel.

Recueilli par Isabelle de Gaulmyn