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Les coptes, des origines au XIXe siècle. Le Monde de la Bible, 18.12. 2021

Source: https://www.mondedelabible.com/les-coptes-des-origines-au-xixe%e2%80%89siecle/

 18 décembre 2021 - Christianisme, Egypte,
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De tous les chrétiens du monde arabe, les coptes sont les plus nombreux : entre 6 % et 10 % de la population égyptienne. L’Église d’Égypte s’enracine dans les origines mêmes du christianisme. Après la conquête musulmane, elle est parvenue à préserver un riche patrimoine humain et spirituel, jusqu’à l’aube de la modernité.
Par Christian Cannuyer, Faculté de Théologie de Lille ; directeur de Solidarité-Orient (Bruxelles)

« La predication de Saint Marc a Alexandrie d’Egypte » Peinture de Gentile et Giovanni Bellini dit il Giambellino, 1504-1507. Huile sur toile. Dim. 347×770 cm Pinacoteca di Brera, Milan ©Luisa Ricciarini/Leemage
Il est étrange que saint Paul n’ait pas tourné sa mission vers l’Égypte, lui, qui, manifestement, a d’abord cherché à annoncer l’Évangile dans les milieux juifs de la diaspora. C’est en effet en Égypte que se trouvait la plus importante communauté juive du bassin méditerranéen. C’eût été pour l’apôtre un terrain de mission par excellence.

La réponse à cette interrogation se trouve peut-être dans l’épître aux Romains, où Paul s’interdit de « bâtir sur des fondations posées par autrui » (Rm 15,20-24). Il est bien possible que s’il n’a pas dirigé ses pas vers l’Égypte, c’est parce qu’un autre y avait déjà fondé une communauté chrétienne.

Et de fait, lorsque Paul sera à Corinthe, il y rencontrera l’énigmatique Apollo(nio)s, un chrétien originaire d’Alexandrie, qui enseignait un autre baptême que lui et qui, selon la version dite occidentale des Actes des apôtres, avait lui-même été baptisé « dans sa patrie » (Ac 18,24-28). Vers 55, il y avait donc déjà des chrétiens à Alexandrie.

Entre saint Marc et les gnostiques : des premiers siècles chrétiens mal connus
Cette constatation est compatible avec les récits qui font de saint Marc l’évangéliste le fondateur de l’Église d’Égypte. Issu d’une famille juive de Libye établie récemment à Jérusalem, il serait arrivé à Alexandrie après avoir été le collaborateur de saint Pierre à Rome.

Il y aurait été martyrisé vers 68 à la suite d’un conflit avec les sectateurs du dieu Sérapis. Une mystérieuse lettre de Clément d’Alexandrie, découverte en 1958, affirme même qu’en Égypte, Marc aurait remanié son évangile dans un sens plus spirituel ; mais l’authenticité de cet écrit est fortement contestée.

Quoi qu’il en soit, il y eut donc certainement des chrétiens en Égypte dès le Ier siècle. Le plus ancien fragment manuscrit connu d’un évangile, généralement daté d’environ 130 et conservant le texte de Jean 18,31-33 et 37-38, a été trouvé en Égypte.

Valentin, Basilide et Carpocrate
Mais du christianisme égyptien des deux premiers siècles, nous ne savons quasiment rien. Comme ailleurs et à l’instar du judaïsme dont il provient, le premier christianisme égyptien a dû être traversé par divers courants.

Les seuls « chrétiens » égyptiens de ce temps sur lesquels nous soyons relativement bien renseignés sont les maîtres gnostiques Valentin, Basilide et Carpocrate, qui professaient un christianisme très étranger à celui qui s’imposera comme « orthodoxe » : une vision dualiste et anticosmique, considérant le monde matériel comme la création d’un dieu mauvais, le Christ venant, en révélant le vrai Dieu de Lumière, sauver nos âmes prisonnières du corps et des ténèbres de la matière.

Les courants gnostiques sont documentés par les Pères de l’Église qui les ont combattus (tel Irénée de Lyon) et par les célèbres manuscrits coptes de Nag Hammadi, trouvés en 1945. Leur foisonnement en Égypte au IIe siècle est la preuve indirecte que le christianisme y était bien implanté.

L’évêque Demetrios
C’est avec l’apparition d’un premier évêque d’Alexandrie clairement attesté, Demetrios, vers 190, qu’émerge vraiment l’histoire de l’Église égyptienne. Sous son pontificat, une école théologique et catéchétique, le didascalée, inaugure la prestigieuse tradition théologique alexandrine, où s’illustreront les grands noms de Clément, Origène, Denys…

En outre, Demetrios encourage l’expansion du christianisme égyptien en dehors d’Alexandrie par la création de trois autres sièges épiscopaux ; ils seront une centaine au début du IVe siècle. Preuve d’une croissance constante du nombre des chrétiens, encore que l’on ne doive pas exagérer celle-ci : des études récentes et convergentes permettent, grâce notamment à la documentation papyrologique, d’estimer leur proportion à entre 15 et 20 % de la population vers 310.

De la vivacité de l’Église témoignent ses martyrs, tombés au IIIe siècle, surtout à la fin de celui-ci, lors de la dernière persécution enclenchée par l’empereur Dioclétien, dont la mémoire est restée si vive chez les coptes que leur ère « chrétienne » spécifique, commençant avec le règne du persécuteur, en 284, est appelée « ère de Dioclétien » ou « ère des martyrs ».

Après Constantin : une Église au cœur des grands débats théologiques
La liberté de culte accordée aux chrétiens par Constantin en 313 et les faveurs dont il les couvrira ne tarderont pas à favoriser la croissance du christianisme dans la vallée du Nil.

Si ses élites restent majoritairement de langue grecque, la foi nouvelle parvenant chez les populations rurales adopte progressivement la langue autochtone, le « copte ». C’est dans le milieu paysan de Haute-Égypte, entretenant des liens constants avec le désert et son appel à l’absolu, que prend racine le phénomène du monachisme.

Dans le même temps, Alexandrie est un des épicentres des controverses théologiques virulentes qui fracturent l’unité de l’Église.

Schismes
Un premier schisme, celui de Mélèce, évêque de Lycopolis (Assiout), vers 304, conteste l’autorité jugée excessive de l’archevêque d’Alexandrie.

Puis apparaît le mouvement du prêtre alexandrin Arius, ne reconnaissant dans le Fils qu’une créature du Père, certes la première et la plus éminente, « par qui tout a été fait », mais non Dieu lui-même.

Après que le concile de Nicée (325) eut débouté cette option théologique, le bouillant archevêque Athanase d’Alexandrie (v. 298-373) s’opposa sans relâche à l’arianisme, contre une majorité d’évêques orientaux progressivement devenus anti-nicéens. Cela lui vaudra maintes tribulations, dont plusieurs exils.

De nos jours, l’Église copte tire une grande fierté de saluer en lui le champion qui fit triompher finalement la foi de Nicée dans le « Fils, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé ».

En 380 l’empereur Théodose en fit le credo imposé à tous les chrétiens de l’Empire, mesure complétée en 391-392 par une politique coercitive à l’endroit du paganisme, qui fut proscrit.

En Égypte, l’archevêque Théophile d’Alexandrie fut l’un des plus ardents à appliquer les rescrits impériaux, entraînant la destruction du grand temple de Sérapis.

Son neveu Cyrille, maître absolu d’une Église égyptienne désormais toute-puissante, imposa au concile d’Éphèse, en 431, la condamnation de son alter ego de Constantinople, Nestorius, qui contestait la légitimité théologique de l’épithète « Mère de Dieu » attribuée à la Vierge Marie et apparue en Égypte au IIIe siècle par manière de concurrence à la maternité divine dont se prévalait la déesse Isis.

Pour Cyrille, Jésus étant indissociablement homme et Dieu, une seule « nature » du Verbe incarnée, Marie devait sans contredit être honorée comme « Mère de Dieu ».

Concile de Chalcédoine
Mais vingt ans plus tard, le débat sur le mystère du Christ ayant rebondi, le concile de Chalcédoine (451) en vint à proclamer « deux natures », humaine et divine, dans la personne du Christ.

Aux yeux du nouveau chef de l’Église d’Égypte, Dioscore, cette définition semblait désavouer la position de Cyrille. Les Égyptiens, dans leur grande majorité, évêques, moines, fidèles, désavouèrent le concile, s’en tenant à ne considérer dans le Christ qu’une seule « nature » divino-humaine, la distinction du divin et de l’humain leur paraissant une concession au « nestorianisme ».

L’Église d’Égypte se sépara de celles de Constantinople et de Rome, entraînant dans son sillage une bonne partie de l’Église de Syrie, mais aussi l’Église d’Éthiopie – qu’elle avait contribué à faire naître au mitan du IVe siècle – et, plus tard, l’Église d’Arménie : ainsi se constituèrent les Églises « non chalcédoniennes », dites naguère encore « monophysites », appelées plus respectueusement aujourd’hui « les anciennes Églises orientales ».

Des Byzantins à la domination musulmane : une communauté copte souvent brimée
En Égypte, l’Empire byzantin mena la vie dure aux sécessionnistes bientôt organisés en patriarcat : il leur opposa un patriarcat « orthodoxe » établi à Alexandrie (il existe encore aujourd’hui) et leur fit subir de cruelles persécutions.

Une nouvelle ère de martyrs s’ouvrait : des chrétiens, désormais, violentaient d’autres chrétiens. Aussi, lorsque les Perses sassanides envahirent le pays, en 618, les chrétiens locaux semblent n’avoir rien fait pour défendre l’Empire romain.

Lorsqu’il eut reconquis l’Égypte, en 629, l’empereur Héraclius voulut lui imposer un patriarche « orthodoxe » d’origine étrangère, chargé de la ramener de force à la vraie foi. Le patriarche non chalcédonien Benjamin se réfugia au désert. La police impériale parvint à mettre la main sur son frère, qui fut enfermé dans un sac et jeté dans le Nil.

La conquête du pays par les Arabes, en 641, mit fin à la persécution byzantine ; Benjamin put, grâce à la bienveillance du conquérant musulman Amr ibn al-Âç, recouvrer son siège patriarcal. Comment s’étonner qu’une première version de l’Histoire des patriarches d’Alexandrie, rédigée plus tard, affirme que c’est à la demande des chrétiens d’Égypte que les musulmans envahirent leur pays, les libérant ainsi que l’intolérance byzantine ?

Islamisation lente
L’Égypte fut désormais englobée dans l’Empire des califes. Les musulmans réservèrent le nom de « coptes » (en arabe qibt, au pluriel aqbât), abréviation du grec Aiguptioi, « Égyptiens », aux habitants qui restaient fidèles à la foi chrétienne de leurs ancêtres.

La coexistence entre l’islam dominant et les chrétiens soumis au régime de la dhimma a été plutôt satisfaisante. L’islamisation fut plus lente qu’on ne le croit généralement et peu coercitive : ce n’est, semble-t-il, que dans le dernier tiers du Xe siècle que les chrétiens se réduisirent à moins de 50 % de la population.

L’arabisation de celle-ci, entraînant la disparition du copte comme langue vivante, ne sera chose tout à fait acquise qu’à la fin du XIIIe siècle. Longtemps encore, certaines régions restèrent majoritairement chrétiennes, témoignant de la relative « tolérance » des maîtres musulmans.

Discriminations
Mais il convient de ne pas trop idéaliser le tableau. Les périodes de tension n’ont pas manqué, durant lesquelles les discriminations vécues par les chrétiens se sont durcies et parfois cristallisées en violences.

Après la répression sanglante de rébellions coptes dans le Delta dans les années 820 et la persécution anti-chrétienne déclenchée par le calife fatimide al-Hakim de 1004 à 1013, l’époque la plus dure fut certainement le XIVe siècle, sous la domination des mamelouks.

Sociologiquement, cela peut se comprendre, car c’est alors que les chrétiens sont devenus vraiment minoritaires, passant sans doute en dessous de la barre des 30 %, et dès lors plus facilement exposés à la vindicte populaire, notamment lorsque la prospérité sociale ou économique de certains d’entre eux était considérée comme un insupportable scandale.

Ainsi en 1320, année qui fut désastreuse pour les chrétiens, une populace fanatisée se mit à les attaquer partout dans le pays. Des dizaines d’églises et de monastères furent détruites.

Les violences interreligieuses de grande intensité ont cependant été plutôt sporadiques en Égypte, et elles n’ont jamais causé les centaines de milliers de victimes que les guerres de religion ont faites en Europe occidentale, chez les protestants comme chez les catholiques, au XVIe siècle.

Lent déclin
Toutefois, après le XIVe siècle, l’histoire des coptes est celle d’un lent déclin. Les mariages mixtes, l’oppression fiscale et les discriminations croissantes qu’ils subissent encouragent les conversions à l’islam. L’Église, minée par la corruption, sombre dans une léthargie presque totale.

(Les coptes. Portraits des chrétiens d’Égypte Découvrir autrement… Les coptes. Portraits des chrétiens d’Égypte, par Rémy Pigaglio, éd. Le Monde de la Bible-Bayard, 6,99 euros)

La situation ne s’améliore pas avec la conquête de l’Égypte par les Ottomans (1517). La nouvelle donne géopolitique permet néanmoins aux chrétiens égyptiens de reprendre timidement contact avec l’Occident, ce qui favorise la naissance d’une petite communauté de coptes catholiques (constituée en patriarcat en 1895, alors que se formait aussi une communauté copte protestante).

Il faudra attendre l’avènement de la dynastie de Méhémet Ali (1805), qui libéra progressivement l’Égypte de l’emprise turque et la fit entrer dans une certaine modernité, pour voir la communauté copte, désormais restreinte à environ 10 % de la population, se restructurer et l’Église entreprendre un lent processus de rénovation.