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« Nous devons travailler une théologie de la vie quotidienne », Christophe Henning, La Croix le 10.05.2021

Entretien Le théologien jésuite Christoph Theobald, professeur au Centre Sèvres à Paris, a participé au colloque organisé par l’institut pontifical de théologie Jean-Paul II. Pour « La Croix », il évoque les défis de la théologie de demain.
Recueilli par Christophe Henning, le 10/05/2021 à 14:48
Lecture en 2 min.
« Nous devons travailler une théologie de la vie quotidienne »
« Une doctrine monolithique ne peut pas nous conduire très loin », estime le jésuite Christoph Theobald.

La Croix : Vous avez participé à un colloque organisé à l’institut Jean-Paul II sur l’avenir de la théologie (1). En quoi y a-t-il urgence à imaginer une théologie pour demain ?

Christoph Theobald (2) : C’est le pape François lui-même qui pousse à un travail théologique approfondi, qu’il appelle de ses vœux dès le premier chapitre de sa première exhortation Evangelii gaudium en 2013, et encore dans la constitution apostolique Veritatis gaudium. Ce qu’on dénommait les sciences ecclésiastiques – théologie mais aussi philosophie, sciences humaines, etc. –, constitue un laboratoire pour dépasser la crise que nous traversons.

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En quoi la théologie d’aujourd’hui est-elle différente ?

C. T. : Une doctrine monolithique ne peut pas nous conduire très loin : nous devons avoir une approche théologique plurielle. Nous sortons d’une période durant laquelle nous avions peur de tout ce qui était différent. Le pape insiste sur la pluralité, quand il évoque notamment la figure géométrique du polyèdre. Dans l’Église, la mission magistérielle des évêques est d’annoncer le kérygme, le contenu de la foi, tandis que le charisme des théologiens est d’exercer un travail critique et de chercher dans une dimension prospective des solutions pour l’avenir. Nous ne pouvons pas résoudre les problèmes d’aujourd’hui avec les schèmes d’hier.

Où se prépare cette théologie pour demain ?

C. T. : Vu le nombre d’institutions, la théologie européenne a toujours une fonction de leader, notamment par ses capacités d’enseignement, de publication de textes, mais le travail des théologiens en Afrique, en Inde, en Amérique latine est essentiel pour approfondir la question centrale de l’inculturation. Cette diversité d’approches est prometteuse pour l’avenir, alors même que la théologie en Europe est trop souvent prisonnière de questions de détail. Selon moi, elle ne déploie pas suffisamment une vision transdisciplinaire.

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Quelles seraient les questions essentielles à travailler aujourd’hui ?

C. T. : Je relèverai trois défis pour la théologie de demain. Tout d’abord, l’Église ne rejoint plus les gens dans leur vie quotidienne. C’est la question de la recevabilité : face à la déchristianisation, nous devons travailler une théologie de la vie quotidienne et trouver une manière de parler à nos contemporains. Deuxième défi avec la nécessité d’entrer en dialogue avec les différentes traditions de sens : il ne s’agit pas seulement du dialogue avec le judaïsme ou l’islam mais avec toutes les spiritualités, fussent-elles agnostiques. Or, cette pluralité est perturbée par une laïcité qui, nulle part en Europe, n’est apaisée, et elle est encore plus crispée en France. Nous devons travailler une théologie du politique qui tient compte de ces différentes traditions et s’attache à ce qu’elles peuvent apporter pour le « vivre ensemble ». Enfin, il est urgent de réfléchir au développement faramineux du numérique qui envahit nos existences. Que reste-t-il d’une théologie de la conscience quand tout est géré par des algorithmes et des calculateurs ?

Ces travaux nécessitent une réelle mobilisation : est-ce possible aujourd’hui ?

C. T. : Nous sommes à un moment charnière, tout particulièrement en Europe. Développer une prospective est essentiel alors que l’Église est anesthésiée par le nombre moindre de vocations, par les questions éthiques de la société, par la pandémie… Il n’y a pas de vision face à l’incertitude, alors même que nous devrions vivre de cette vertu centrale qu’est l’espérance et oser développer, comme dans la Bible, des « rêves » d’avenir. C’est le rôle de la théologie.

1 : Aujourd’hui et demain, imaginer la théologie, colloque du 5 mai 2021, organisé par l’Institut pontifical de théologie Jean-Paul II, avec Christoph Theobald, Elmar Salmann et Pierangelo Sequeri.

Dernier livre paru : Le Courage de penser l’avenir, Christoph Theobald, Cerf, 627 p., 29 €