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La présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, Claire Lesegretain, La Croix, 04.12.2020

 Le récent débat autour de la reprise des messes publiques et de l’accès à la communion eucharistique a remis en évidence la délicate question de la « présence réelle ».

De quand date l’affirmation de la « présence réelle » du Christ dans l’Eucharistie ?
Elle trouve sa source dans le récit du dernier repas de Jésus rapporté dans les quatre évangiles puis par saint Paul : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi » (1 Co 11,23-25). Rapidement, les premiers chrétiens ont affirmé que c’est par le changement du pain et du vin en son Corps et son Sang que le Christ devenait présent sacramentellement. « C’est en vérité le Corps du Christ que les fidèles ont à manger », remarquait saint Hippolyte de Rome au IIIe siècle.

Les Pères de l’Église n’ont pourtant guère cherché à comprendre comment le pain et le vin, tout en restant inchangés, pouvaient être consacrés et devenir le « vrai corps » et le « vrai sang » du Christ. « Il n’y a pas eu de discussions théologiques à propos de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie avant la fin du IXe siècle », rappelle le théologien Louis-Marie Chauvet, spécialiste de théologie sacramentaire (1).
Au XIIe siècle, pour tenter d’expliquer cette présence, on créa le mot transsubstantiation, en reprenant la distinction d’Aristote entre accident (« ce qui se perçoit ») et substance (« ce qui est sous/sub ce qui se perçoit »). Au siècle suivant, saint Thomas d’Aquin expliqua ce mot en rappelant que « la substance n’est pas le substrat, mais la raison d’être d’une chose et son sens ». Parler de transsubstantiation, c’est donc dire qu’il y a bien un changement de la substance du pain en substance du corps du Christ, tout en reconnaissant, toujours selon Thomas d’Aquin, que « le corps du Christ, selon le mode d’être qu’il a en ce sacrement, n’est perceptible ni par les sens, ni par l’imagination ». Pour le grand théologien du XIIIe siècle, le corps du Christ est présent dans le sacrement « selon le mode de la substance » et « la substance, en tant que telle, n’est pas visible pour l’œil corporel ».

Au XVIe siècle, réagissant contre certaines dérives de la pratique sacramentelle, la Réforme mit en cause cette doctrine de l’eucharistie. Si Luther resta attaché à la présence réelle, Zwingli ne voyait dans le pain et le vin que de simples « signes » et Calvin considérait que le fidèle recevait spirituellement la présence du Christ.
En réponse, le concile de Trente déclara que, « après la consécration du pain et du vin, Jésus-Christ est vraiment, réellement et substantiellement contenu sous l’apparence de ces réalités sensibles ». Une définition que reprendra le Catéchisme de l’Église catholique, en 1992 : « Dans le très saint sacrement de l’Eucharistie sont contenus vraiment, réellement, et substantiellement le Corps et le Sang conjointement avec l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et, par conséquent, le Christ tout entier » (n° 1373).

En quoi cette affirmation est-elle fondée dans les Écritures ?
L’affirmation selon laquelle le Christ se donne « réellement » dans l’Eucharistie s’appuie sur les paroles de Jésus, lorsqu’il partage avec ses disciples le pain et la coupe : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas en vous la vie » (Jn 6,51-53). Une annonce confirmée par saint Paul qui souligne : « La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas une communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ ? » (1 Co 10,16).
Affirmer que le Christ est présent « substantiellement » sous les espèces du pain et du vin, c’est donc rappeler que Jésus, par amour, a demandé à ses disciples de « célébrer sa mémoire et d’annoncer sa mort jusqu’à ce qu’il vienne », comme l’écrit encore Paul (1 Co 11,26). Jésus a voulu le mémorial de la Cène comme « aliment spirituel des âmes qui nourrit et fortifie ceux qui vivent de sa vie », écrivait saint Thomas d’Aquin. Il a voulu que ce soit « un symbole de cet unique corps dont il est lui-même la tête ».

La « présence réelle » du Christ se rencontre-t-elle autrement que dans l’Eucharistie ?
« Depuis toujours, l’Église affirme que la nourriture spirituelle est à prendre aussi bien sur la table de la Parole que sur celle de l’eucharistie, rappelle le père Chauvet en citant la Constitution conciliaire sur la Révélation divine « Dei verbum ». Si on ne se nourrit pas d’abord de la Parole de Dieu, alors l’eucharistie perd son sens », insiste-t-il. Cette affirmation ecclésiale est elle-même toujours accompagnée du rappel de la présence du Christ dans l’autre, notamment dans le pauvre. « Commence par honorer le corps du Christ dans la rue, là où il est nu », disait saint Jean Chrysostome dans ses homélis. « La finalité de l’Eucharistie, c’est la relation à autrui, le corps ecclésial du Christ », ajoute le père Chauvet.

Quels sont les enjeux œcuméniques de cette doctrine ?
La foi en la présence réelle du Christ dans l’eucharistie est confessée par l’Église catholique romaine et par toutes les Églises orthodoxes et les Églises orientales. Dans ces Églises, le saint sacrement est conservé en dehors des célébrations, pour pouvoir être porté aux malades. L’Église catholique romaine est toutefois la seule à pratiquer l’adoration du Saint sacrement, que celui-ci soit placé en vue dans un ostensoir, ou qu’il soit caché dans le tabernacle.
Avec les Églises protestantes, des divergences doctrinales demeurent quant à la compréhension de la sainte cène : la théologie catholique ne lui refuse plus une « consistance eucharistique », mais elle n’y reconnaît pas « la substance propre et intégrale du mystère » – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a aucune présence du Christ dans la célébration.
Pour autant, les théologiens protestants et catholiques du Groupe des Dombes écrivaient en 1972 à propos de l’eucharistie : « Nous confessons unanimement la présence réelle, vivante et agissante du Christ dans ce sacrement. Le discernement du corps et du sang du Christ requiert la foi. Cependant, la présence du Christ à son Église dans l’Eucharistie ne dépend pas de la foi de chacun, car c’est le Christ qui se lie lui-même, par ses paroles et dans l’Esprit, à l’événement sacramentel, signe de sa présence donnée ». Une déclaration que l’on retrouve dans le texte « Baptême, eucharistie, ministère » (BEM) finalisé par la commission Foi et constitution du Conseil œcuménique des Églises (COE), réunie à Lima en 1982.

Le lieu
À Lanciano, « un miracle eucharistique »
À Lanciano (Italie) vers 750, lors d’une messe, au moment de la consécration, alors que le prêtre doutait de la présence du Christ dans le pain et le vin, celui-ci les vit se transformer en chair et en sang. Après un moment de stupéfaction, il partagea la nouvelle avec ses fidèles. Depuis le VIIIe siècle, ces reliques sont conservées dans l’église et ont été reconnues officiellement par l’Église à plusieurs reprises, notamment en 1970 après des examens scientifiques certifiant qu’il s’agit de chair et de sang humains.

ce qu’il faut retenir
Une doctrine fondée sur les paroles de Jésus
La doctrine de la présence réelle trouve sa source dans les paroles de Jésus lors de l’institution de l’eucharistie au cours de la Cène rapportées dans les Évangiles (Mt 26,26 et Mc 14,22) et par Paul (1 Co 11,23). La plupart des Églises chrétiennes adhèrent à cette doctrine, mais ont historiquement divergé quant à la modalité de cette présence.
Au XIIIe siècle, pour comprendre comment le pain et le vin, tout en restant inchangés, pouvaient être consacrés et devenir le « vrai corps » et le « vrai sang » du Christ, saint Thomas d’Aquin expliqua qu’il y a bien un changement de la substance du pain en substance du corps du Christ, tout en reconnaissant que « le corps du Christ, selon le mode d’être qu’il a en ce sacrement, n’est perceptible ni par les sens ni par l’imagination ».
La présence réelle du Christ se rencontre aussi dans la Parole, comme l’a rappelé le concile Vatican II. La finalité de l’Eucharistie, c’est la relation à autrui, le corps ecclésial du Christ. « Commence par honorer le corps du Christ dans la rue, là où il est nu », disait saint Jean Chrysostome au IVe siècle.

(1) « Dieu, un détour inutile ? Entretiens avec Dominique Saint-Macary et Pierre Sinizergues », Cerf, 328 p., 22 €. (2) « Comprendre l’Eucharistie », de Bernard Sesboüé, Salvator, 186 p., 18 €.