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Père Bogdan LESKO, curé.

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(Historique de l'agenda)

Deux articles

1. Un rapport inédit ausculte la santé des prêtres, La Croix 26.11.2020

Héloïse de Neuville

Comment vont les prêtres en France ? Une vaste étude sur leur santé, réalisée auprès de 2 656 ministres du culte catholique, a été publiée mercredi 25 novembre. Elle dresse un tableau inédit de leur état physique et psychique et documente précisément la réalité de la prêtrise en 2020.

C’est une première en France. Une étude de grande ampleur a été conduite pour évaluer la santé des 6 400 prêtres diocésains âgés de moins de 75 ans. L’enquête menée par l’Union Saint Martin à la demande de la Conférence des évêques de France (CEF) a été réalisée de février à juin 2020 pour objectiver les signaux de mal-être exprimés depuis plusieurs décennies par le clergé diocésain. Parmi les alarmes les plus récentes et tragiques, deux prêtres se sont donné la mort fin août. Dans une première enquête réalisée dans le sillage de ce double drame, La Croix avait pu documenter l’engrenage de solitude et d’isolement dans lequel se retrouvent souvent les prêtres en proie à des difficultés psychologiques. Cette enquête permet de battre en brèche quelques idées reçues. « Des études sur la santé des prêtres ont été menées dès les années 1980, mais la nouveauté, c’est que celle-ci, très sérieuse, émane de l’épiscopat », observe Céline Béraud, sociologue du catholicisme. « Cette étude était aussi une manière de manifester notre attention aux prêtres. Beaucoup ont été touchés par cette démarche », confirme Mgr Benoît Bertrand, évêque de Mende (Lozère), qui a présidé le comité de pilotage du rapport. Le choix a été fait de réaliser l’enquête via un questionnaire envoyé par voie électronique, garantissant l’anonymat total des répondants.

Que nous enseigne cette étude, qui s’appuie sur les réponses de 2 656 prêtres, de tout âge et de tout ministère, (dont 20 % d’étrangers) ? D’abord, elle dresse un tableau réaliste des conditions d’exercice de la prêtrise en 2020, dans un contexte de crise enracinée des vocations, donc de transformation des missions du prêtre. Plus de 85 % des clercs répondants exercent aujourd’hui un ministère paroissial. Parmi eux, près de 40 % sont chargés au moins de 5 clochers (20 % ont plus de 20 clochers en charge). Aux deux extrêmes, 7,5 % en ont plus de 40, et 14 % des prêtres n’en n’ont qu’un seul. « Ces chiffres illustrent le contraste de l’expérience catholique d’aujourd’hui, entre une zone rurale où la charge de travail est souvent considérable et la zone urbaine, où les prêtres peuvent encore exercer leur ministère plus sereinement », fait remarquer Céline Béraud. Point positif : d’un point de vue physique, 93,3 % des prêtres participant à l’enquête estiment être en bonne santé. En revanche, le rapport décrit une réalité critique concernant leur santé psychique. 17,6 % des répondants présentent des symptômes dépressifs, un chiffre plus de trois fois supérieur aux hommes de la population générale. Derrière la statistique, c’est l’ombre de la solitude qui obscurcit le moral des troupes. Elle explique pourquoi de très nombreux diocèses ont lancé des initiatives pour inciter les prêtres à se regrouper et partager leur quotidien, ce que tous ne souhaitent pas toujours. 20 % des prêtres vivant seuls présentent des symptômes dépressifs, contre 15 % de ceux vivant en équipe sacerdotale (soit 38 % des prêtres). 2 % des prêtres qui ont répondu à l’étude présentent des symptômes sévères d’épuisement professionnel, soit 44 prêtres. « 44 de prêtres de trop », souligne sobrement Mgr Benoît Bertrand. De nombreux commentaires laissés par les participants révèlent également un malaise avec la hiérarchie de l’Église, la plupart concernant des problèmes de gestion managériale. Naturellement, les conditions de vie influent sur l’attention que les prêtres s’accordent à eux-mêmes. Sur ce plan, deux données de l’enquête interpellent. 43 % des prêtres sont en surpoids et 20 % sont obèses, ce qui les expose davantage à des maladies chroniques. Autre point d’attention : leur rapport à l’alcool. Si la consommation quotidienne d’alcool concerne 12 % des prêtres – un taux équivalent à celui de la population française –, deux prêtres sur cinq sont dans une situation de « mésusage », révèle l’enquête. Dans le détail, 18 % des prêtres répondants sont des consommateurs à risque ponctuel, 7 % à risque chronique. Le rapport dresse enfin une liste de préconisations, afin d’améliorer la prévention des maux qui guettent le clergé. Parmi les pistes : un plan de lutte contre la solitude, notamment axée sur la question du logement, la création dans chaque diocèse d’un pôle Santé Social pour les prêtres en activité, ou l’instauration d’un médiateur pouvant être saisi par un prêtre et pouvant intervenir en cas de difficultés relationnelles entre pairs ou avec la hiérarchie. « La question de la santé des prêtres n’est pas l’affaire seulement des évêques, insiste Mgr Benoît Bertrand. C’est une question à laquelle l’ensemble du peuple de Dieu doit veiller. »

paroles

« La négligence de soi est dangereuse »

Père Jean-François Noël

Curé d’Istres et de Saint-Mitre-les-Remparts (Bouches-du-Rhône) et psychanalyste

« Il est bon que les prêtres s’autorisent à dire qu’ils souffrent. Pour les anciennes générations, “ne pas s’écouter” faisait partie du programme ; mais les jeunes sont plus attentifs à leur hygiène de vie… ce qui est indispensable pour se présenter aux autres. C’est ce que j’appelle “l’écologie du soi”, à l’inverse de la négligence de soi, qui est dangereuse pour soi et pour les autres. Il faut une grande discipline pour tenir avec régularité dans le célibat. »

Recueilli par Claire Lesegretain

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2. Rapport sur la santé des prêtres : « la négligence de soi est dangereuse pour soi et pour les autres »
Entretien Réagissant à l’étude sur la santé des prêtres diocésains présentée mercredi 25 novembre par la Conférence des évêques de France (CEF), le père Jean-François Noël (1), curé dans le diocèse d’Aix-en-Provence et psychanalyste, considère que trop de prêtres ont encore du mal à prendre soin d’eux.
Recueilli par Claire Lesegretain, le 25/11/2020 à 17:53
Lecture en 3 min.
Rapport sur la santé des prêtres : « la négligence de soi est dangereuse pour soi et pour les autres »
A Lille, le 30 août 2020, ordination de trois prêtres dans la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille par Monseigneur Laurent Ulrich.

La Croix : Un rapport inédit sur la santé des prêtres diocésains en activité montre que 45 % d’entre eux souffrent de maladie chronique, notamment des douleurs du dos et des cervicales. Qu’en pensez-vous ?

Père Jean-François Noël : C’est une bonne chose que les prêtres s’autorisent à dire qu’ils souffrent, car ils ne le faisaient pas avant. Ils acceptent désormais d’être des hommes ordinaires, avec les souffrances de tout le monde. Depuis quelques années, je reçois de plus en plus de prêtres et de séminaristes en consultation et j’entends chez eux une certaine plainte à propos de blessures affectives - ce que je n’entendais pas avant. Peut-être, est-ce l’effet des nouvelles fragilités contemporaines, dans la mesure où, comme l’a dit Marcel Gauchet, « le déclin de la religion s’est transformé en difficulté d’être soi ».

→ LES FAITS. Un rapport inédit ausculte la santé des prêtres

Près de 63 % des prêtres sont en surpoids (contre 46 % dans la population française) et 20 % souffrent d’obésité (contre 15 %). Comment expliquez-vous cela ?

P. J.-F. N. : Il vaut mieux endormir son désir charnel que le réveiller… Je pense que certains religieux et prêtres choisissent d’anesthésier leur rapport au corps par crainte de se confronter à leur désir affectif. Il y a aussi des problèmes d’addiction liés au célibat, car cet état de vie exacerbe la demande de validation de sa vie. Quand je n’ai ni épouse ni enfant, qui va valider qu’il est bon que j’existe ?

(À lire aussi - L’Église face aux « fragilités » de ses prêtres)

L’Église face aux « fragilités » de ses prêtres
Cette exacerbation peut se traduire par une addiction, première manière d’étouffer une demande légitime de reconnaissance. C’est en cela que le célibat du prêtre est coûteux : non pas tant à cause de la privation de vie sexuelle, mais parce qu’il n’a pas une épouse qui l’accueille dans sa finitude, sa fragilité. Et puis, on est dans une société addictive qui incite à différentes formes d’addiction.

Cette étude montre aussi que près d’un prêtre sur cinq présente des symptômes dépressifs, quel que soit l’âge, qu’en pensez-vous ?

P. J.-F. N. : Cela ne m’étonne pas ! En consultation, je reçois souvent des prêtres en « crise d’idéal ». Un très fort idéal les a poussés vers l’ordination mais, au bout d’un certain temps, lorsque cet idéal est confronté à d’autres valeurs et d’autres réalités qui viennent le contredire, ils finissent par croire qu’ils ont tout perdu. Un idéal seul (de pureté, d’impeccabilité, d’offrande de soi à Dieu…) devient despotique. Il faut qu’il soit compensé par d’autres idéaux.

→ ENQUÊTE. Des prêtres encore trop isolés face à la détresse psychologique

En outre, nos contemporains recherchent des figures idéalisables, à la fois pour se dispenser d’avoir à vivre ces idéaux et pour enfermer ces figures dans cet absolu. Jean Vanier, par exemple, qui a voulu vivre un magnifique idéal de tendresse a fini par se rendre compte qu’il n’avait pas été à la hauteur de l’image dans laquelle on l’avait placé. De même pour les frères de Saint-Jean qui se sont laissés piéger par leur idéal de vérité.

L’étude révèle que 19 % des prêtres estiment avoir une surcharge permanente de travail et que 33 % ne prennent qu’une demi-journée de repos par semaine… Comment réagissez-vous ?

P. J.-F. N. : Cela me semble difficile à croire car il n’y a pas plus attachés à leur liberté que les prêtres. Certains sont débordés mais la majorité d’entre eux ont plutôt peur de manquer de travail une fois leurs tâches élémentaires accomplies. C’est toujours au prêtre d’inventer son travail : il lui faut donc sans cesse provoquer, susciter, rassembler… D’ailleurs, j’exhorte mes vicaires à lire, à écrire, à avoir un travail intellectuel quotidien.

Concernant le temps de sommeil, 27 % des prêtres estiment qu’il n’est pas suffisant.

(À lire aussi - Les raisons du mal-être chez les prêtres)

Les raisons du mal-être chez les prêtres
P. J.-F. N. : Il faut une grande discipline pour tenir avec régularité dans le célibat. Tous les diocèses réfléchissent actuellement à des moyens d’aider les prêtres à mieux structurer leur quotidien - notamment par la vie commune. Et puis, le masculin est inachevé. Si les prêtres avaient une femme, celle-ci les obligerait à se coucher et à se lever à des heures raisonnables.

Pourquoi les prêtres semblent-ils avoir du mal à prendre soin d’eux ?

P. J.-F. N. : Cette négligence par rapport à soi, se constate moins chez les jeunes générations plus attentives à l’activité sportive et à leur hygiène de vie. Mais pour les anciennes générations, « ne pas s’écouter » faisait partie du programme. Désormais, les séminaristes sont sensibilisés à avoir souci d’eux-mêmes, ce qui est indispensable pour se présenter aux autres. C’est ce que j’appelle « l’écologie du soi », à l’inverse de la négligence de soi qui est dangereuse pour soi et pour les autres.

(1) Il a publié cette année « Épris d absolu », Éd. Nouvelles cités, 192 p., 18 €.