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Le cimetière, un lieu pour les vivants. Élodie Maurot, Religion&spiritualité, La Croix 30.10.2020

Le cimetière, un lieu pour les vivants
Élodie Maurot

Cimetière de Tequila, au Mexique. Fleurir les tombes est un geste de célébration. - Scarlett Coten/ Plain Picture

Autour de la Toussaint, les vivants se rendent au chevet des morts. Pour les chrétiens, ce lieu s’éclaire par la foi en la résurrection.

Lorsque le temps est clément et qu’un doux soleil réchauffe le ciel de novembre, les jours qui entourent la Toussaint font mentir les saisons. Dans les cimetières, les tombes se parent de fleurs. Il flotte un petit air de printemps à l’approche de la fête de tous les saints, devenue en raison du jour de prière pour les défunts qui la suit un moment privilégié du souvenir des morts.

Florence, 45 ans, catholique, aime voir ainsi le cimetière se réveiller. « En temps ordinaire, les gens pensent à leurs morts mais cela reste invisible. Autour de la Toussaint, ce lien devient tangible, palpable, souligne-t-elle. Quand je vois une tombe fleurie, je me sens reliée à d’autres, avec lesquels je partage le fait d’aimer un proche par-delà son absence. Le cimetière est un lieu qui marque publiquement la place des morts que nous aimons toujours. »

Pour la philosophe Vinciane Despret, auteure de l’ouvrage Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent (1), les fleurs offertes en ces jours portent plusieurs significations. « Dans notre culture, le bouquet de fleurs est d’abord lié à l’hospitalité, c’est ce que l’on offre quand on est invité. C’est aussi le geste de l’amoureux, qui dit que l’on aime. Enfin, c’est un geste de l’ordre de la célébration. Toutes ses significations se mêlent dans une offrande sur une tombe. »

La philosophe ne voit pas dans le cimetière le lieu où l’on viendrait « faire son deuil », une expression qu’elle critique, estimant qu’elle appauvrit la compréhension des liens qui unissent les vivants et les morts. Pour elle, ce lieu fait partie « du long processus d’instauration de nos liens avec les morts ». « Les morts ont des choses à accomplir mais eux-mêmes doivent faire l’objet d’un accomplissement qui nous engage », écrit-elle, attentive à la manière dont les vivants se rendent capables d’accueillir la présence des morts.

Pour l’Église catholique, c’est un lieu important. « Les gens ont des rapports très variés au cimetière qui dépendent de leur histoire familiale et de leur lien à l’Église », précise le père Jean-Marie Tschann, ancien responsable du service des funérailles du diocèse de Nice (Alpes-Maritimes). « Certains les fuient, beaucoup sont marqués par la peur de la mort et son occultation, mais on a bien vu au moment du confinement que l’absence de rassemblements lors des funérailles et au cimetière avait pesé. »

Pour les chrétiens, la prière au cimetière est une manière de signifier, au plus près des effets de la mort, l’espérance qu’elle n’a pas le dernier mot. Des paroisses y proposent chaque année une prière commune au moment de la Toussaint. « Nous invitons les familles endeuillées dans l’année et les membres de la paroisse à prier ensemble sur la tombe de leur défunt et nous proposons aussi de bénir les nouvelles tombes », explique le père Hubert Louvet, curé des paroisses du Haut-Plateau à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), où ce type de prière existe depuis une quinzaine d’années. « C’est une manière de signifier le lien par-delà la mort avec ceux qui nous ont quittés et notre foi au Christ vainqueur de la mort. »

Philippe Mellet, diacre du diocèse de Nice, célèbre chaque année une telle prière. « C’est un peu paradoxal car je ne suis moi-même “pas très cimetière”, sourit-il. Mes parents ne l’étaient pas non plus et j’ai hérité d’eux ce rapport distendu aux tombes. Chaque année, je vois en revanche des familles très fidèles à ce rendez-vous. Quand je célèbre dans ce cimetière où mes parents ne sont pas enterrés, je prie pour eux comme si j’étais près de leur tombe. »

Si elle considère avec respect ces lieux, l’Église n’en maximise cependant pas l’importance. « Pour l’Église, c’est au cours de la messe et de la prière eucharistique, qui comprend une prière pour les défunts, que nous sommes le plus proches d’eux », rappelle le père Tschann. Le lieu du repos des morts est moins fort que la communion vivante dans la prière. saint Augustin le rappelle dans ses Confessions, lorsqu’il rapporte les mots de sa mère, sainte Monique, demandant à ses fils à la veille de mourir : « Enterrez ce corps n’importe où. Ne vous troublez pour lui d’aucun souci. Tout ce que je vous demande, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez », (Livre IX).

Le cimetière est un lieu chargé de sens, surtout pour les vivants. « Il est un lieu qui aide les vivants. Nous y allons pour nous replonger dans les liens si nombreux qui nous unissent aux morts », analyse le sociologue et théologien Jean-Pierre Fragnière. Mais, pour ce dernier, les cimetières « physiques » deviennent une modalité « parmi d’autres » de ce lien aux défunts. La dissolution des communautés villageoises, la mobilité géographique, le développement de concessions courtes, inscrivent le cimetière dans une « tendance au provisoire », souligne-t-il.

« Le cimetière était le grand témoin de l’existence de nos proches et de la collectivité. Aujourd’hui, dans n’importe quelle famille, on dispose de quantité de photos, de films, d’archives pour se plonger dans le souvenir des défunts », constate le sociologue. Ces différentes manières de se rapporter aux morts peuvent se compléter : « On peut aller vers les cimetières qui accueillent nos défunts à la Toussaint et poursuivre cette démarche en allant voir ceux, magnifiques, que sont les souvenirs et les lieux domestiques qui matérialisent leur présence. Sans doute quand on feuillette ensemble un album de photos au salon peut-on moins tricher avec la vie du défunt que lorsque l’on se tient simplement côte à côte au cimetière. »

Pour Vinciane Despret, le cimetière a beau s’être « excentré », il reste un « lieu de rendez-vous avec les morts ». « Quand quelqu’un ne s’est pas occupé d’un mort pendant des années, c’est souvent par une visite au cimetière que se rétablit le lien et que s’engage un processus de réconciliation et de paix. Il reste un lieu de passage et un lieu de stabilité. »

Fréquenté de manière individuelle, il est devenu un « lieu collectif privatisé », « le lieu du deuil privé », constate Jean-Pierre Fragnière. Il est, de ce fait, devenu plus discret, mais sans doute pas moins important. « Les gens ne parlent pas de leurs visites aux cimetières, il y a une forme de pudeur, constate le Père Jean-Marie Tschann. On pourrait donc croire que ça n’existe plus, que ça n’a plus d’importance, alors que cela en a toujours. »

Pour les vivants, le cimetière reste un lieu chargé de sens. -
Corinne Simon/Ciric

repères

Les Français et leurs tombes

À la Toussaint, 34 % des Français interrogés déclarent se rendre « systématiquement » dans un cimetière où repose un proche, 16 % le font « parfois » tous les trois ou quatre ans, 4 % déclarent le faire en alternance avec d’autres membres de leur famille, 34 % déclarent ne pas se rendre au cimetière à cette occasion et 12 % ne pas avoir de défunt ou de tombe à visiter.

En dehors de la Toussaint, les Français interrogés se rendent au cimetière à la date anniversaire du décès d’un proche (18 %), à la date anniversaire de sa naissance (15 %), pendant des vacances (13 %), pour des fêtes religieuses (12 %), pour la Fête des pères ou des mères (10 %).

Au final, 17 % des Français interrogés déclarent se rendre au cimetière tous les mois, 20 % quatre à dix fois par an, 39 % une à trois fois par an, 24 % jamais. Lorsqu’ils se rendent au cimetière, les personnes se recueillent (71 %), apportent des fleurs (62 %), entretiennent ou nettoient le monument (62 %).

La visite sur la tombe d’un proche reste pour les Français interrogés la première manière d’entretenir la mémoire d’un proche (40 %), devant le fait de « penser à lui sans se recueillir » (38 %) ou de fleurir sa tombe (13 %).

Source : Les Français et les obsèques, 5e baromètre CSNAF-Crédoc, mai 2019.