Regroupe trois villages: GIGEAN, POUSSAN et MONTBAZIN
Père Bogdan LESKO, curé.

ANNONCES DU 28 MARS au 7 avril 2024

(Historique de l'agenda)

J’ai choisi de compter sur Dieu seul. Adrien Bail, Religion&spiritualité, La Croix 27.03.2020

Un Carême vertueux (5/7)
« J’ai choisi de compter sur Dieu seul »
Recueilli par Adrien Bail

ouverture cahier à recadrer - C’est au cœur d’une enfance blessée qu’est née la foi de Mathilde François. Karl Ahnee pour La Croix

Mathilde François Psychothérapeute Pendant le Carême, « La Croix » cède la parole à des chrétiens qui veulent vivre les vertus. Aujourd’hui, la foi.

Votre enfance a été un enfer. Qu’avez-vous vécu, précisément ?

Mathilde François : Ma famille était, en apparence, normale : d’un bon milieu, pratiquante, avec de belles valeurs… Mais ce n’était qu’une façade. Très tôt, ma mère m’a fait subir des humiliations, des coups et d’inlassables malédictions. Elle me répétait que j’étais méchante et bonne qu’à faire souffrir les gens, qu’elle aurait voulu que je meure. Elle prétendait être la seule à savoir qui j’étais vraiment et à être capable de me protéger de moi-même… Mon père, lui, ne disait rien.

La situation a empiré avec les années. Vers l’âge de 20 ans, elle m’a rouée de coups dans des déchaînements de haine. Le plus destructeur était qu’elle affirmait agir pour mon bien : « Tout ça, c’est parce que je t’aime. » En psychologie, on appelle cela de la communication paradoxale, c’est très déstabilisant pour l’enfant : toute sécurité disparaît, la confusion s’installe. L’enfant peut sombrer dans la folie.

Vous évoquez dans votre livre (1)« la maladie du doute », qui « fissura peu à peu ma nature confiante ». Est-ce que quelque chose en vous a été détruit, de l’ordre d’une confiance primordiale ?

M. F. : Petite fille, j’avais une belle confiance en moi et dans la vie. J’étais joyeuse, pas du tout sujette à l’anxiété ni à l’angoisse. Mais ces mauvais traitements cachés, ces malédictions et ces mensonges ont peu à peu infiltré le doute en moi, et miné ma confiance et ma joie. Un enfant a fondamentalement besoin d’être aimé par ses parents. Il croit toujours ce qu’ils lui disent. S’ils lui répètent qu’il est mauvais, s’il ne se sent pas aimé, il croira que c’est de sa faute. J’ai commencé à craindre que ma mère ait raison.

Vers 9 ans, mon doute s’est incarné dans des tocs. Les tocs, ce sont des pensées intrusives qui jaillissent dans l’esprit et génèrent une grande angoisse. Pour tenter d’échapper à cette angoisse, on effectue des compulsions, des rituels qui, en réalité, ne font qu’augmenter le doute. Ma peur à moi était qu’il arrive un malheur par ma faute. Je m’épuisais en vérifications continuelles de tout ce qui relevait de ma responsabilité. Lorsque je gardais mes frères, je tournais de pièce en pièce, d’appareil électrique en appareil électrique, pour chasser tout doute. À l’école, j’étais brillante, mais je travaillais énormément, de peur de ne pas y arriver. Avec mes amies, je doutais d’être aimable et digne d’intérêt.

À ces tocs, se sont ajoutés l’anorexie et des pensées suicidaires…

M. F. : La situation à la maison empirait. J’ai commencé à me faire vomir, plusieurs fois par jour. Cette addiction renforçait encore ma honte et ma crainte que ma mère ait raison : n’étais-je pas folle pour faire ça ? En réalité, j’étais en train de me vider de mon désir de vivre. Tout ce que je disais était nié, ma mère avait intoxiqué mon père et d’autres proches que j’aimais, qui se mettaient à croire à ses mensonges. J’étais comme emmurée vivante. Le suicide m’apparaissait comme le moyen d’arrêter de souffrir et d’échapper à ma mère.

Malgré tout, vous écrivez : « Si l’amour de mes parents n’a jamais été la face visible de (l’amour de Dieu) pour moi, ils m’ont cependant permis de le découvrir. Et de cela, je leur serai éternellement reconnaissante. » Comment est-ce possible ?

M. F. : Ils m’ont donné deux choses inestimables : la vie et le baptême. Avec eux, je suis allée à la messe tous les dimanches, j’ai entendu parler de l’amour de Dieu – quand bien même c’était assez dogmatique et très peu vécu à la maison. D’une certaine manière, Dieu est passé à travers eux pour me rejoindre !

Comment est survenue votre rencontre avec Dieu ?

M. F. : Très jeune, j’ai commencé à parler à Dieu comme à un ami. Vers 9 ans, j’allais à la messe en semaine, je priais, je lisais la Parole… Lors de ma première confession, j’ai été envahie par la paix, une joie palpable et la certitude d’un amour inconditionnel. Quand les troubles alimentaires sont arrivés, et que cela s’est durci à la maison, j’ai commencé à aller à l’adoration, presque tous les jours. J’étais comme une morte de froid se réfugiant auprès d’un feu. Enfin, il y eut cette grâce reçue un mercredi des Cendres. Pendant l’adoration, j’ai entendu dans mon cœur cette parole : « Je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, afin de pouvoir vivre, toi et ta descendance » (Dt 30, 19).

Quel sens a-t-elle eu pour vous ?

M. F. : Dieu me tendait la vie, mais c’était à moi de la choisir. Tout ce que j’avais vécu n’était évidemment pas de ma faute. Mais ce que je choisissais d’en faire restait de ma responsabilité. Dieu voulait me délivrer, mais il me fallait renoncer à ce qui détruisait ma vie, choisir de compter sur lui seul. Cela impliquait de renoncer à mes vomissements et à mes envies suicidaires… Ce fut très douloureux. Mais je suis restée cramponnée à mon choix. Et, à la fin du Carême, j’étais délivrée de mes troubles alimentaires. En réalité, cette guérison miraculeuse n’était pas le plus beau cadeau de Dieu. Le plus beau cadeau était d’avoir fait l’expérience qu’à l’adoration, Jésus était vraiment là, vivant, et qu’il me donnait tout ce dont j’avais besoin pour vivre.

Croire requiert-il donc un choix ?

M. F. : Oui, dans la foi, il y a un choix à faire. Il s’agit d’un consentement, d’une orientation de la volonté et du désir, un mouvement à refaire sans cesse. Et ce « oui » permet à Dieu de se donner à nous. Je vois cet acte de foi comme une déclaration d’amour qu’Il attend. Car il ne nous force jamais. Dans l’Évangile, Jésus demande : « Queveux-tu que je fasse pour toi ? » Il respecte infiniment notre liberté, notre cheminement, nos résistances.

La foi a-t-elle changé votre vie ?

M. F. : Jésus n’enlève pas la souffrance comme on ôte un chapeau. À la maison, les malédictions n’ont pas cessé, et j’ai longtemps gardé mes peurs et mes tocs. Mais je n’étais plus seule pour vivre ces combats. Dieu veillait sur moi. J’étais sûre qu’il ne m’abandonnerait pas. C’est ainsi que j’ai trouvé la force de m’éloigner de la maltraitance de mes parents. D’abord, par une sorte de détachement : leurs malédictions ont eu moins de poids sur moi. Je me suis autorisée à vivre, j’ai noué de nouvelles amitiés. Ensuite, à 20 ans passés, je me suis enfuie de chez eux. Je crois que j’ai laissé Dieu être Dieu pour moi, et il m’a menée sur un chemin de guérison.

Où en êtes-vous de ce chemin ?

M. F. : Je me suis laissée aimer par Dieu, puis par celui qui est devenu mon mari. J’ai eu le bonheur d’avoir des enfants – et vous pouvez imaginer combien il était difficile pour moi d’envisager de devenir mère. À présent, je suis une maman certes imparfaite, mais pas catastrophique !

Si je n’ai plus de tocs, je garde une fragilité. Quand mes enfants étaient petits, j’avais toujours peur qu’il leur arrive quelque chose. Les tocs reposent sur une surestimation du danger, de la responsabilité et des pensées. C’est toujours ainsi que je perçois le monde : je suis la reine des peurs absurdes et des suppositions. Mais j’ai appris à ne plus croire à mes peurs. Si je ne peux pas les empêcher de surgir, en revanche, je peux décider de ne pas me laisser paralyser par elles. Je ne sais pas s’il sera possible, un jour, de ne plus en avoir. Mais j’ai l’antidote. Un ami prêtre m’a dit un jour : « Tout, dans ta vie, peut être un mur ou un tremplin. » Chaque peur peut être l’occasion de me tourner vers Dieu en disant  : c’est toi que j’aime. En toi, j’ai placé ma confiance.

C’est sous un nom d’emprunt que Mathilde François a raconté son histoire bouleversante. - Karl Ahnee pour La Croix

Mariée et mère de famille, la jeune femme s’est peu à peu reconstruite dans l’amour de Dieu. - Karl Ahnee pour La Croix

« Pourvu que vous me guidiez par la main »

Extrait d’« Une vie bouleversée » d’Etty Hillesum (1)

« Mon Dieu, prenez-moi par la main ! Je vous suivrai bravement, sans beaucoup de résistance. Je ne me déroberai à aucun des orages qui fondront sur moi dans cette vie. Je soutiendrai le choix avec le meilleur de mes forces. Mais donnez-moi de temps à autre un court instant de paix. Et je n’irai pas croire, dans mon innocence, que la paix qui descendra sur moi est éternelle. J’accepterai l’inquiétude et le combat qui suivront. J’aime à m’attarder dans la chaleur et la sécurité, mais je ne me révolterai pas quand il me faudra affronter le froid, pourvu que vous me guidiez par la main. Je vous suivrai partout et tâcherai de ne pas avoir peur. Où que je sois, j’essaierai d’irradier un peu d’amour, ce véritable amour du prochain qui est en moi. »

(1) Lettre du 25 novembre 1941, cité dans Etty Hillesum, un itinéraire spirituel, (Albin Michel, 2001), de Paul Lebau.

« Seul peut nous secourir celui qui est le Salut du monde entier »

Extrait de « Reste fidèle… » d’Albert Schweitzer (1)

« En Jésus, nous avons celui qui nous a réconciliés avec Dieu et qui a offert la paix à nos âmes. Sachons l’apprécier, à une époque qui, sans cesse, recommande de nouveaux remèdes ; et pourtant, elle est si misérable et aveugle qu’elle ne voit pas ce médecin qui nous guérit, et elle préfère courir chez les charlatans. Mais seul peut nous secourir celui qui est le Salut du monde entier et le Sauveur de tous les temps. Nous voulons être ses fidèles. C’est à Lui que nous voulons nous en tenir. Et lorsque les tempêtes mugissent autour de nous, et qu’à l’intérieur de nous des soucis nous donnent du fil à retordre, nous ne voulons pas le renier. Bien au contraire, nous voulons élever les mains et notre cœur, et le prier : “Reste auprès de nous, mon Dieu et Seigneur, Témoigne-nous ta fidélité, la constance veuille nous donner, et délivre-nous du malheur !” »

(1) Kirchenbote, 1919, cité dans Prier 15 jours avec Albert Schweitzer (Nouvelle Cité, 2012), de Matthieu Arnold.

Au cœur des ténèbres

Mathilde François a eu une enfance dévastée. Une blessure irréparable qui aurait pu l’emporter dans la folie ou la mort. Sous son nom d’emprunt, elle en a témoigné en avril 2019, dans un livre bouleversant, De la maltraitance à la liberté (Éd. des Béatitudes). Mystérieusement, c’est au cœur de cet enfer qu’est née sa foi, point de départ d’une vie nouvelle. Mathilde s’est découverte aimée de Dieu, telle qu’elle était ; à mesure qu’elle comprenait combien ses parents ne l’aimaient pas, elle a placé sa confiance en lui. « Croire en Dieu est devenu pour moi une question de vie ou de mort », dit-elle aujourd’hui. À 40 ans passés, celle qui est devenue psychothérapeute et vit à l’étranger confie son désir de pouvoir pardonner un jour à ses parents. « Je m’efforce de les aimer en pensée et en parole. J’essaie de les voir au-delà du mal qu’ils m’ont fait. » Le fruit d’un long parcours de guérison.

« Dieu est l’âme de notre âme, la vie de notre vie »

Extrait de « Je veux voir Dieu », du père Marie-Eugène de l’Enfant Jésus (1)

« Il nous soutient, non pas comme une mère soutient et porte son enfant dans ses bras, mais il nous pénètre, et nous enveloppe. Il n’est pas un atome de notre être où il ne soit, pas un mouvement de nos membres ou de nos facultés qu’il n’ait animé. Il est autour de nous, en nous, et jusqu’en ces régions plus intimes et plus profondes que notre âme elle-même. Dieu est l’âme de notre âme, la vie de notre vie. »

(1) Éd. Carmel, Toulouse, 1998.