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Faire pénitence, Malo Tresca, Religion&spiritualité, La Croix le 06.03.2020

Comprendre
Faire pénitence
Malo Tresca

Souvent perçu comme désuet, l’acte de pénitence souffre, depuis deux siècles, d’une crise de désaffection. Lors du Carême, l’Église rappelle la pertinence de ce sacrement clé.

Qu’entend-on par l’expression « faire pénitence » ?

« Sacrifice », « pénitence », « contrition »… Ces termes résonnent parfois encore avec la consonance des temps anciens. Dans l’imaginaire chrétien, ils véhiculent en effet toujours, pour certains, un lot de souffrances. Une représentation coriace, pourtant bien loin du sens originel du terme « pénitence ». « Issu du latin paenitentia – qui traduit l’injonction du Christ “convertissez-vous” –, ce terme appelle donc étymologiquement à un changement de vie, de comportement, de mode de relation à Dieu et aux autres », explique Hélène Bricout, directrice adjointe de l’Institut supérieur de liturgie à l’Institut catholique de Paris (ICP) et codirectrice de l’ouvrage Faire pénitence, se laisser réconcilier (1).

Dans la tradition catholique, l’acte de pénitence consiste à reconnaître ses fautes au cours de la confession, et à accepter la punition déterminée, par le pécheur lui-même ou par le prêtre, pour les expier. « Par ce sacrement, les fidèles qui confessent leurs péchés (…) en ont la contrition (…) et obtiennent de Dieu, par l’absolution (…), le pardon des péchés qu’ils ont commis après le baptême, et ils sont en même temps réconciliés avec l’Église qu’ils ont blessée », stipule le code de droit canonique (Canon 959). La pénitence intérieure du chrétien peut s’exprimer de diverses manières, mais les Écritures et les Pères de l’Église insistent principalement sur trois de ses formes : le jeûne, la prière et l’aumône.

Comment la Bible conçoit-elle la pénitence ?

« Pitié pour moi, mon Dieu (…) / selon ta grande miséricorde, efface mon péché/lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense » (Ps 50), « revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour » (Jl 2, 13), paraboles du fils prodigue, de la brebis et de la drachme perdues (Lc 15), récit de la conversion de saint Pierre après son triple reniement (Mc 14, 66-72)…

Des livres de Prophètes au Nouveau Testament, les textes sont truffés de références à la pénitence. L’approche biblique semble la concevoir comme une mise en œuvre de la parole de Dieu – par la médiation du Christ – de faire participer les pécheurs au mystère pascal de la résurrection. « L’appel de Jésus à la conversion et à la pénitence ne vise pas d’abord des œuvres extérieures, “le sac et la cendre”, les jeûnes et les mortifications, mais la conversion du cœur », rappelle le Catéchisme (n° 1430).

« Dans la Bible, la pénitence commence par exprimer l’effort, quelquefois difficile, douloureux, pour changer de vie. C’est ce que nous voyons en premier lieu. Mais il faut voir le but, la finalité : revenir au Seigneur, c’est-à-dire revenir à une vie plus fidèle et à l’amour de son nom », appuie le père Xavier Lefebvre, curé de la paroisse Saint-Augustin (Paris 8e), envoyé comme missionnaire de la Miséricorde en 2016 par le pape François.

Quelle est l’histoire de ce sacrement, et pourquoi souffre-t-il de désaffection ?

Sacrement de conversion, de pénitence, de réconciliation, de pardon… À l’image de ses multiples noms, ce rituel a connu au fil des siècles des changements considérables. Au point qu’il a parfois été difficile d’en reconnaître une identité fondatrice, remontant aux premiers apôtres. « Complexe, l’histoire de ce sacrement a témoigné de la volonté de l’Église de s’ajuster aux besoins spirituels de chaque époque, en adaptant ses formes de compréhension et de mise en œuvre du pardon apporté par le Christ », précise Hélène Bricout.

Dans l’Antiquité, le sacrement se répand notamment sous la forme d’un acte de pénitence publique, alors administré par l’évêque. C’est seulement vers le VIIe siècle que le modèle de la pénitence réitérable, provenant des villes anglo-saxonnes, commence à s’imposer autour d’une confession privée avec un prêtre. « Cette forme a ensuite évolué, notamment à partir du XIIe siècle, vers celle que nous connaissons aujourd’hui, avec une insistance portant moins sur l’accomplissement de la peine que sur l’aveu des fautes », poursuit la théologienne.

Dès le XIXe siècle, la pratique de ce sacrement tombe toutefois en déclin. « Elle a pâti de son image de pénibilité, soit parce que l’on avait des confessions stéréotypées sans effets, soit parce que l’on avait une vision judiciaire du sacrement, avec la représentation d’un Dieu juge et vengeur. Il y a eu aussi un terrorisme clérical au confessionnal qui a joué », souligne-t-elle.

Et aujourd’hui ? « Je n’ai pas envie », « je n’en ai pas besoin », « je retombe toujours »… Prononcés avec plus ou moins de mauvaise grâce, ces arguments pour « y couper » s’entendent encore souvent. « Il y a deux types d’explications possibles à cette désaffection ; l’une sociale, dans une société au sein de laquelle la demande de pardon peut être interprétée comme la caractéristique de la morale des faibles, décrypte le père Lefebvre. Et la seconde, plus religieuse, est liée à l’expérience de la faute et du péché. C’est la peur de se retrouver devant Dieu, et d’oublier que sa miséricorde est infinie. »

Comment réaffirmer sa pertinence ?

Au XXe siècle, l’Église a particulièrement cherché à réaffirmer son importance. « Dès les années 1950, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, on se rend compte que le péché n’est pas seulement une question d’infraction personnelle à des règles posées par Dieu, mais qu’il doit aussi être porté collectivement. On prend conscience que l’Église est, elle aussi, pécheresse… », contextualise Hélène Bricout. Dans le sillage de Vatican II, Rome promeut, par le biais de son nouveau rituel Ordo Paenitentiae (1973), la mise en œuvre de célébrations communautaires du sacrement, avec confession et absolution collectives.

L’Église ne cesse, depuis, de rappeler sa pertinence. « Dieu ne se lasse pas de nous pardonner ! C’est nous qui nous lassons de demander le pardon », a ainsi assené le pape François, lors du premier angélus de son pontificat, en mars 2013. « Par ce sacrement, c’est Dieu qui nous libère du plus grand danger qui soit : nous faire nous-même notre propre juge ! », assure le père Lefebvre, « la grâce sacramentelle met à chaque fois un frein au cycle du péché : elle nous redonne la joie de savoir que Dieu ne se décourage jamais ».

ce qu’il faut retenir

Une « conversion du cœur »

Dans la tradition catholique, le sacrement de pénitence – du latin paenitentia, traduisant l’injonction du Christ « convertissez-vous » – et de réconciliation implique une reconnaissance, par le pécheur, de ses fautes devant Dieu, pour que celles-ci lui soient pardonnées.

Les Écritures accordent une place prépondérante à la pénitence. L’approche biblique semble la concevoir comme une mise en œuvre de la parole de Dieu – par la médiation du Christ – de faire participer les pécheurs au mystère pascal de la résurrection.

Acte de « pénitence publique » pendant l’Antiquité, banalisation de la « confession privée » avec un prêtre vers le VIIe siècle, promotion dans le sillage du concile Vatican II de célébrations communautaires : au fil des siècles, les formes de ce rituel ont beaucoup évolué.

Confrontée à son déclin, depuis le XIXe siècle, l’Église ne cesse de réaffirmer la pertinence de ce sacrement clé, ouvrant une « véritable conversion du cœur ».

La figure spirituelle

La figure spirituelle. Saint Pierre

Dans les quatre Évangiles (Mt 26, 34 ; Mc 14, 30 ; Lc 22, 34  ; Jn 13, 38), le reniement de Pierre – qui refuse par trois fois de reconnaître, par peur de la mort, qu’il a connu et suivi Jésus – montre bien le caractère faillible de l’homme pécheur. Dieu insiste pour nous montrer que nous sommes tous capables de faire la même chose que lui, cet apôtre qui a « tant douté ». Mais en posant un acte sincère de pénitence, en faisant l’expérience concrète de la Miséricorde divine à toute épreuve, saint Pierre devient finalement un véritable témoin de Dieu, le premier évêque de Rome dans la tradition chrétienne.

(1) Avec le frère Patrick Prétot (dir.) aux Éd du Cerf, coll. « Lex Orandi », 2013.