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Le Vatican se penche sur la vision de l’homme dans la Bible, Nicolas Senèze, La Croix 19.12.2019

(Adam et Ève après avoir mangé le fruit défendu. Détail d’une mosaïque byzantine du XIIe siècle, chapelle Palatine de Palerme. - Alfredo Dagli Orti/Photo 12)

La Commission biblique pontificale a publié, lundi 16 décembre, un long document sur l’anthropologie biblique, abordant les questions de sexualité, d’écologie ou de pouvoir.

Rome De notre envoyé spécial permanent

Avec plus de 300 pages, le dernier document de la très sérieuse Commission biblique pontificale (CBP) est une somme d’autant plus importante qu’elle touche un des sujets les plus disputés entre l’Église catholique et la société : l’anthropologie biblique, c’est-à-dire la vision de l’être humain que porte la Bible. Disponible pour l’instant seulement en italien, Qu’est-ce que l’homme ? se veut une réflexion autorisée – la CBP est liée à la Congrégation pour la doctrine de la foi – dans un débat où, dans l’Église, les théologiens s’affrontent régulièrement à coups de citations bibliques.

« Nous avons voulu montrer ce que dit réellement l’Écriture, explique le jésuite Pietro Bovati, secrétaire de la CBP, qui a dirigé cette étude. Un travail qui n’avait jamais été fait jusqu’ici car, d’habitude, le théologien cite çà et là quelques textes qu’il retient comme utiles et importants pour son argumentation. » Au risque de lectures partielles de la Bible. « Nous suggérons donc de ne pas prendre l’Écriture comme un répertoire d’affirmations isolées, mais de tenir compte de la valeur des affirmations dans leur contexte fondamental », poursuit ce professeur d’exégèse de l’Ancien Testament de l’Institut biblique pontifical.

« À l’encontre de lectures trop simplistes, nous voulions souligner la richesse du texte biblique à travers lequel Dieu se révèle progressivement et qui doit donc être pris dans son ensemble », renchérit le père Pierre Debergé, un des quatre membres de la CBP à avoir participé à la rédaction du texte. Celui qui en prépare la traduction française (1) souligne la volonté de la CBP de « ne pas publier un traité où ”la Bible dit ceci ou cela” » mais d’offrir un « itinéraire d’anthropologie biblique », partant donc de la Création et courant jusqu’à l’Apocalypse. « Il s’agissait de proposer une lecture de la Bible qui porte, en elle-même, une certaine conception de l’homme et des rapports humains, qui souligne à la fois la grandeur de l’homme et sa faillibilité mais, surtout, la révélation d’un Dieu qui est un Dieu sauveur », résume-t-il. Avec des résultats souvent à contre-courant de certaines lectures fondamentalistes ou trop répandues de la Bible.

Ainsi, sur la question de l’homosexualité, le texte offre une étude pointue du « péché de Sodome », tout en rappelant que celui-ci « consiste dans le manque d’hospitalité, avec de l’hostilité et de la violence à l’encontre de l’étranger ». Si, sur ce thème, les biblistes de la CBP creusent avec précision les exigences du Lévitique ou les sentences de saint Paul, ils soulignent aussi que « la Bible ne parle pas de l’inclination sexuelle vers une personne de même sexe, mais seulement des actes homosexuels ». « Il faut voir ce qui est en jeu derrière, explique le père Debergé. Pour la Bible, il s’agit de défendre la différence fondamentale inscrite au cœur de la Création. Dès lors, quand Paul parle d’actes “contre nature”, il faut y lire une vision biologique mais se garder d’aller au-delà. »

Le document ouvre aussi des pistes théologiques et pastorales éloignées d’une vision biaisée du texte biblique, sur ce sujet (lire l’extrait ci-dessous) comme sur celui du divorce. « Le conjoint qui, constatant que la relation conjugale n’est plus une expression d’amour, décide de se séparer de qui menace la paix ou la vie des membres de sa famille, ne pose pas alors un acte contraire au mariage ; au contraire, il atteste, paradoxalement, de la beauté et de la sainteté du lien, précisément en constatant que celui-ci ne réalise pas pleinement son sens dans des conditions d’injustice et d’infamie. » Rappelant que la « dureté du cœur » dénoncée par le Christ quand il parle du divorce est « toujours présente parmi les baptisés », la CBP conclut que « l’enseignement biblique laisse le champ ouvert à la théologie morale et la pastorale » et que cela « requiert sagesse et miséricorde de la part de celui qui interprète le message de Jésus et son désir de bien ».

La CBP offre une réflexion inattendue sur la question des femmes, se refusant à tirer du texte biblique une quelconque subordination vis-à-vis de l’homme. Mais le document va au-delà des questions de sexualité. « Nous nous intéressons aussi à la façon dont l’homme reçoit la Création, explique le père Debergé. Étudier ce que signifie la “domination” confiée à l’être humain oblige à se poser la question de l’écologie mais aussi du travail et de la nécessité de s’arrêter de travailler. » D’où une réflexion sur le repos dominical, la politique ou la nourriture.

Sur l’homosexualité, l’apport « indispensable » des sciences humaines et de la théologie

Extrait du document Qu’est-ce que l’homme ? de la Commission biblique pontificale.

« Certaines formulations des auteurs bibliques, tout comme les directives disciplinaires du Lévitique, requièrent une interprétation intelligente qui sauvegarde les valeurs que le texte sacré entend promouvoir, en évitant donc de répéter à la lettre ce qui est le reflet de caractéristiques culturelles d’une époque. L’apport des sciences humaines, ainsi que la réflexion des théologiens et des moralistes, est indispensable pour un traitement adéquat de la problématique seulement esquissée dans ce document. Par ailleurs, une attention pastorale est également requise, en particulier à l’égard de chaque personne, pour mettre en œuvre le service du bien que l’Église doit assumer dans sa mission pour les hommes. »

(1) Sa publication est attendue en septembre aux Éditions du Cerf.