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Père Bogdan LESKO, curé.

ANNONCES du 27 avril au 12 mai 2024

(Historique de l'agenda)

Le père dans la Bible. Xavier Le Normand. La Croix, Religion&spiritualité, le 06.12.2019

La période de l’Avent conduit à contempler la crèche, où l’Enfant Jésus est entouré de sa mère Marie et son père terrestre Joseph. Une occasion de réfléchir à la paternité.

Quel modèle du père dans la Bible ?

Dans la multitude de pères présente dans la Bible, l’histoire d’Abraham, dans le Livre de la Genèse (chap. 11 à 25), se dégage comme le récit du plein et progressif apprentissage d’une paternité conforme aux desseins de Dieu. Son nom ne signifie-t-il d’ailleurs pas « père d’une multitude » (Gn 17, 5) ? Pourtant, il n’a pas toujours porté ce nom : au début du récit, il s’appelle Abram, qui signifie « miroir du père », c’est-à-dire celui qui va réaliser les désirs inassouvis du père, explique le père Olivier Bonnewijn (1), vicaire épiscopal de Malines-Bruxelles (Belgique). Tèrah, le père d’Abram, semble donc l’enfermer dans une relation orientée vers son propre bénéfice.

Alors qu’Abram a grandi avec un modèle négatif de la paternité, Dieu va lui faire traverser une série d’épreuves pour qu’il parvienne au modèle de la paternité qu’il désire, poursuit le prêtre belge. Parmi celles-ci, le moment de la circoncision où Abraham reçoit son nouveau nom. « Le pacte de l’alliance entre Dieu et l’homme se trouve au lieu le plus intime de la transmission de la vie », relève le père Bonnewijn. « Par ce choix de la circoncision, poursuit-il, Dieu vient dire : tu engendreras avec des relations d’alliance et non de domination et de convoitise. »

Dans l’histoire d’Abraham, l’épisode de la ligature d’Isaac est probablement le plus important. L’ancien pasteur protestant et théologien Antoine Nouis (2) en propose une lecture originale : en ordonnant à Abraham de détacher son fils des liens dont il l’a enserré, Dieu veut « apprendre à Abraham de permettre à son fils de le quitter ». Une fois Isaac libéré, le patriarche va sacrifier un bélier – c’est-à-dire un mâle reproducteur, un animal « père » – et non un agneau. En acceptant de laisser partir son fils, Abraham « devient pleinement père », acquiesce le père Bonnewijn.

Pourquoi saint Joseph est-il le patron des pères de famille ?

Autant la vie d’Abraham propose un apprentissage de la paternité, autant saint Joseph en est le « modèle », affirme Antoine Nouis. Pour ce dernier, « c’est l’adoption qui qualifie la paternité ». En effet, la mère a déjà une « complicité » avec son enfant avant sa naissance alors que le père découvre un « inconnu ». « Pour être père, insiste le pasteur, il ne suffit donc pas d’être le géniteur d’un enfant, il faut accepter d’en être responsable. » Et c’est justement ce que fera saint Joseph, alors qu’il n’est pas géniteur de l’enfant de Marie.

C’est d’ailleurs à lui que revient de nommer Jésus et donc de lui donner son identité qui va lui permettre de s’inscrire dans la généalogie davidique. De même, c’est lui qui veut l’inscrire au recensement (Lc 2, 2-3), une inscription qui « manifeste clairement l’appartenance de Jésus au genre humain, comme homme parmi les hommes » selon les mots de Jean-Paul II dans son exhortation Redemptoris custos.

En prenant soin du Christ, en l’éduquant, en lui enseignant un métier et en lui transmettant la foi, résume le père Bonnewijn, « Joseph a vraiment été un père terrestre pour Jésus ». C’est ainsi que Léon XIII peut affirmer dans son encyclique Quamquam pluries que « les pères de famille trouvent en Joseph la plus belle personnification de la vigilance et de la sollicitude paternelle ». Avec son humilité, Joseph aurait pu faire sienne la phrase de saint Paul : « Je tombe à genoux devant le Père, de qui toute paternité au ciel et sur la terre tient son nom » (Ep 3, 14-15).

Que nous dit la Bible de la paternité de Dieu ?

Dieu n’était pas obligé de faire le choix de l’homme, rappelle Antoine Nouis. Ainsi, comme Joseph a adopté le Christ, Dieu s’est fait le père d’Abraham, de sa descendance et de tous les baptisés. Comme Abraham éduque Isaac et apprend à ne pas dominer sa vie, « le Seigneur contribue à nous révéler à nous-même pour que nous inventions l’identité que nous voulons avoir », s’enthousiasme le vicaire épiscopal de Malines-Bruxelles.

La paternité de Dieu s’exprime aussi par la reconnaissance qu’il a envers le Christ. « Dieu s’exprime directement à deux moments charnière dans la vie de Jésus – le baptême et la Transfiguration – et c’est pour lui manifester son amour », relève Olivier Belleil qui a consacré un ouvrage au sujet (3). « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie », proclame une voix céleste à ces deux occasions (Mt 3, 17 et Mt 17, 5). Dieu est donc un père dont les enfants font la joie.

Contrairement à ce que pourrait faire croire une image qui date du XIXe siècle, relève encore Olivier Belleil, les pères bibliques ne cachent pas leurs sentiments. Cela est particulièrement vrai dans la parabole du fils prodigue (Lc 15, 11-32) dans laquelle Jésus révèle les traits du Père. Alors que le fils revient, raconte le Christ dans cette parabole, « son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers ». Pour Olivier Belleil, c’est donc la pleine affirmation de « l’immense tendresse » du Père qui se retrouve aussi dans les psaumes.

Quelle paternité pour aujourd’hui ?

« Être père, c’est apprendre à s’effacer. Cela ne veut pas dire disparaître mais se réjouir que l’autre suive sa propre route. » Cette définition, le père Bonnewijn la tient du théologien jésuite Albert Chapelle. La paternité ne suppose donc pas être géniteur et ne s’adresse en ce sens pas exclusivement aux hommes. La paternité selon la Bible est plutôt la question de la fécondité de chacun, de la volonté de chacun d’accompagner la croissance de la vie chez les autres vers sa pleine liberté. À l’inverse, poursuit le vicaire épiscopal de Malines-Bruxelles, une « fausse conception de la paternité conduit à une perversion ». « Dans le cas du sacerdoce, poursuit-il, cela peut conduire à une volonté d’emprise. » L’accompagnateur spirituel n’exerce alors plus une paternité qui libère à l’image de celle de Dieu, mais veut mener la personne là où il le désire.

ce qu’il faut retenir

Le guide vers la liberté

Dans la Bible, Abraham est celui qui apprend la paternité. À travers des épreuves, Dieu lui enseigne qu’être père ne signifie pas posséder, mais au contraire rendre pleinement libre. C’est ainsi qu’il devient pleinement père lorsqu’il libère Isaac de l’autel sur lequel il allait le sacrifier.

Saint Joseph est, pour sa part, le modèle de la paternité. Alors qu’il n’est pas le géniteur de Jésus, il fait le choix d’adopter et lui permet de s’inscrire véritablement dans la lignée humaine. Chargé de l’éducation de Jésus, il est un modèle de discrétion dans les Évangiles, ce qui témoigne qu’il a su s’effacer pour laisser son fils accomplir sa vocation.

La Bible révèle les traits de la paternité de Dieu, parmi lesquels figurent la tendresse ainsi que la reconnaissance – tant acceptation que gratitude – envers ses enfants.

La paternité selon la Bible est ainsi un accompagnement délicat de la vie de l’autre vers sa pleine liberté.
l’œuvre

"Le Retour du fils prodigue » par Rembrandt"

Maître du XVIIe hollandais, Rembrandt laisse éclater tout son génie dans sa célèbre représentation de la parabole du fils prodigue, peinte en 1668. Le regard est immédiatement attiré vers le vieillard qui enlace son fils à genoux devant lui. Les mains du père posées sur les épaules du jeune homme sont tout à fait particulières : celle de gauche est une main d’homme tandis que celle de droite est une main de femme. Par là, Rembrandt a voulu représenter la maternité et la paternité du père de la parabole, c’est-à-dire de Dieu. Depuis 1766, l’œuvre est conservée à Saint-Pétersbourg, au Musée de l’Ermitage.

Le Retour du fils prodigue, Rembrandt. - CC/Wikimedia

(1) Olivier Bonnewijn, La Famille dans la Bible. Quand Abraham, Joseph et Moïse éclairent nos propres histoires, Mame, 2014.
(2) Antoine Nouis, Le Nouveau Testament. Commentaire intégral verset par verset, Olivétan et Salvator, 2018.
(3) Olivier Belleil, Être père selon la Bible, Les Béatitudes, 2014.