Extension de la PMA, pourquoi ils vont manifester dimanche, La Croix. Guillemette de Préval et Loup Besmond de Senneville, le 04.10.2019

Enquête Les opposants à l’extension de la PMA organisent, dimanche 6 octobre, une manifestation à Paris. Parmi les participants, beaucoup évoquent la nécessité de rendre visible l’opposition à la révision des lois de bioéthique et croient à un possible abandon de la réforme.
Guillemette de Préval et Loup Besmond de Senneville, le 04/10/2019 à 07:30 Modifié le 04/10/2019 à 07:51
Extension de la PMA, pourquoi ils vont manifester dimanche
Lors de l’université de rentrée du collectif « Marchons enfants ! », qui regroupe une vingtaine d’associations anti-PMA, à Port-Marly (Yvelines), le 21 septembre.

Manifester, très peu pour lui. En 2012, contre le « mariage pour tous », le jeune homme n’est pas descendu dans la rue. Il était pour le mariage pour tous. « Je ne croyais pas à l’argument des opposants disant que du mariage allait découler la PMA puis la GPA », se souvient Mickaël Fernandes, 27 ans. Sept ans plus tard, il a changé d’avis. « En quelques années, on y est ! C’est allé à une vitesse folle ! » Convaincu que la PMA entraînera la GPA – « car l’argument d’égalité entre les couples de femmes qui auront accès à la PMA et les couples d’hommes sera invoqué » –, ce chargé de missions en ressources humaines à Roubaix voit dans cette loi une marchandisation du vivant.

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« À très court terme, l’extension de la PMA va engendrer une rémunération des dons de gamètes car les banques de sperme vont rapidement être à court de dons. » Pour ce catholique militant au Parti socialiste depuis 2011 et membre du courant des Poissons roses, qui regroupe des chrétiens de gauche, l’étiquette « La Manif pour tous » n’est pas facile à endosser. Il prévient : « Si je constate qu’il y a des propos haineux de la part des manifestants, ou des récupérations par d’autres pour dénoncer la politique de Macron, je n’y retournerai pas. »

« On ne connaît pas d’avance le succès de cette manifestation »
Combien seront-ils, dimanche 6 octobre, à se rendre à Paris, comme Mickaël Fernandes, pour protester contre les mesures prévues par la révision des lois de bioéthique, actuellement examinée à l’Assemblée nationale ? Impossible, pour l’heure, de le savoir. Même si les organisateurs de la marche, dont font notamment partie La Manif pour tous, les Associations familiales catholiques et Alliance Vita, regroupées sous une bannière baptisée « Marchons enfants ! », affirment que les signaux sont au vert : deux TGV ont notamment été affrétés et 110 bus mobilisés.

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C’est justement dans l’un de ces bus que Gilles Renard, 70 ans, a l’intention de monter dimanche matin. Il quittera quelques heures la ville dont il est maire Les Républicains, Bois-Guillaume, dans la banlieue de Rouen, pour venir à Paris. Lui qui se définit « certains jours”Macron-compatible”, d’autres totalement incompatible », est notamment choqué par la reconnaissance de « deux mères » pour un enfant.

À ceux qui prédisent une mobilisation en baisse, il répond : « Peut-être que ça éveillera les esprits. On ne connaît pas d’avance le succès de cette manifestation. Moi, je souhaite que ça se passe dignement, dans le calme. Souvenez-vous : en 2006, la mobilisation avait fait reculer le gouvernement Villepin sur le contrat première embauche (CPE). »

« Avec cette loi, la médecine se met à répondre à un désir »
Si Gilles Renard est particulièrement attentif, « en tant que maire », aux évolutions envisagées sur la filiation, Barthélemy, jeune Nantais de 25 ans, invoque des arguments médicaux. « Cette loi interroge notre définition de la médecine, estime cet ingénieur dans un institut de cancérologie. L’Académie de médecine elle-même s’est montrée réservée sur la loi. En donnant une solution médicale à un problème qui n’est pas pathologique, comme le disait François-Xavier Bellamy, on passe d’une médecine qui répare et soigne l’être humain à une médecine qui va réparer le fait d’être humain. »

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« Je ne condamne pas le désir d’enfant, c’est légitime, ajoute ce catholique pratiquant. Mais, avec cette loi, la médecine se met à répondre à un désir. Or, bientôt, la technique va pouvoir répondre à n’importe quel désir. Si demain je veux un enfant blond, aux yeux bleus, grand et intelligent et que la technique me le permet : pourquoi arrêter la technique ? Rien ne pourra arrêter ce processus eugéniste. On ne peut pas faire des lois en fonction de nos désirs. »

Cette mise en avant du désir d’enfant, Cécile Gravrand, la soixantaine, originaire de Quimper, s’y oppose aussi fermement : « Le désir d’avoir un enfant ne suffit pas à justifier d’en avoir un. Je comprends que cela puisse être cause de grandes souffrances et de frustrations mais on a tous des frustrations ! Nous savons ce que c’est, nous sommes parents d’une fille handicapée et ce n’est pas toujours évident au quotidien. »

Si son mari et elle ont voté pour Emmanuel Macron, ils se sont toujours opposés à son projet de loi et avaient manifesté en 2012. Le couple a participé aux états généraux de la bioéthique, à Quimper et à Brest : « Les débats étaient bienveillants mais les conclusions sont si idéologiques. Rien n’a été retenu », déplorent-ils.

Créer un « rapport de force »
Au-delà des arguments de fond, la question de l’efficacité de cette présence dans la rue se pose à tous. « Si personne ne va manifester en disant que ce n’est pas efficace, le gouvernement va en déduire qu’aucune opposition n’existe », analyse Mireille Segretain. Cette haute fonctionnaire à la retraite se sent plus « proche de l’analyse philosophique et anthropologique de Sylviane Agacinski » que de La Manif pour tous. « Agacinski explique très bien, clairement et rigoureusement, les raisons pour lesquelles le mouvement actuel comporte des risques que l’on n’arrivera jamais à maîtriser. »

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Membre des Semaines sociales, elle insiste sur la nécessité de créer un « rapport de force ». Pourquoi ne pas se manifester d’une autre manière ? « Il faut tout faire, répond-elle : écrire aux députés, les interpeller. La manifestation fait partie de la panoplie. Il n’y a pas à hésiter. » Elle insiste : « Le fait d’aller manifester ne veut pas dire “Nous adhérons à La Manif pour tous”, mais “Nous sommes contre ce projet de loi ; ce projet de loi n’est pas raisonnable.” »

Marc Faivre d’Arcier, l’un des responsables de « Marchons enfants » dans la région de Lyon, et engagé dans La Manif pour tous depuis 2012, va plus loin. « Lorsque l’on dit qu’un enfant peut avoir deux mères, que tous les enfants sans exception sont heureux dans des familles monoparentales ou encore lorsque la ministre de la santé affirme que la mère peut très bien jouer le rôle symbolique d’un père, cela manifeste qu’une partie de ce projet de loi est fondé sur du mensonge. Si je manifeste, c’est pour rappeler l’existence du réel. C’est aussi une manière de chercher la vérité. » Comme d’autres, il croit que la loi peut être mise de côté. « Quel est son intérêt, à Macron, s’il veut être réélu en 2022, de passer en force ? Il a plus à y perdre qu’à y gagner. »

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L’examen de la loi est toujours en cours
Les députés examinent toujours le projet de révision des lois de bioéthique, dont l’article 1 prévoit d’étendre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.

Ce projet, composé de 32 articles, comprend également des dispositions sur l’accès aux origines des enfants nés d’un don, l’autoconservation des ovocytes, la recherche sur l’embryon ou le don d’organes.

Les députés devraient achever leur débat le 9 octobre, avant de voter sur l’ensemble du texte dans l’après-midi du 15 octobre.

Après ce premier examen à l’Assemblée, le texte sera ensuite soumis au Sénat. La commission des affaires sociales du palais du Luxembourg devrait se saisir du projet de loi début 2020.

Puis le texte reviendra à l’Assemblée et au Sénat lors d’une deuxième navette. Le vote final pourrait intervenir avant l’été 2020.

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Le soutien des évêques
Le 16 septembre, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), confiait que les citoyens inquiets avaient « le devoir de manifester ». Sur France Info, mardi 1er octobre, Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, est allé dans le même sens : « Nous avons tous une conscience, a-t-il indiqué. Et si ma conscience me dicte qu’il y a quelque chose de grave derrière une loi, alors je dois réagir ; ne pas le faire serait de la lâcheté. » Comme eux, la plupart des évêques encouragent le rassemblement, sans toutefois envisager d’y prendre part. Seuls quelques-uns d’entre eux devraient être présents.