Lectures à la messe : en quoi consistent les changements voulus par le pape ?

Publié ; Journal « La vie », le 30/09/2019 à 14h41 - Modifié le 01/10/2019 à 08h46
Marie-Lucile Kubacki, à Rome

Dans un motu proprio consacré à la Parole de Dieu publié lundi 30 septembre, le pape François annonce l’instauration d’un dimanche consacré à la parole de Dieu et propose un ministère similaire à celui du lectorat, ouvert à des laïcs formés, dont des femmes.

De quoi parle-t-on ?
Le motu proprio - lettre signée du pape pour annoncer une décision, comparable à un décret - publié ce 30 septembre et intitulé Aperuit illis annonce principalement l’instauration « un dimanche entièrement consacré à la Parole de Dieu, pour comprendre l’inépuisable richesse qui provient de ce dialogue constant de Dieu avec son peuple », ainsi qu’il l’avait déjà demandé en conclusion du Jubilé de la Miséricorde en 2016. Une initiative qu’il inscrit dans la continuité de la constitution Dei Verbum, du Concile Vatican II, sur l’importance de la redécouverte de la Parole de Dieu, et du synode des évêques organisé en 2008 par Benoît XVI sur ce thème.

Quand ce dimanche aura-t-il lieu ?
Ce dimanche, annonce François sera le troisième du temps ordinaire, « moment opportun » car il s’agit de la période où les chrétiens sont invités à « renforcer les liens avec la communauté juive et à prier pour l’unité des chrétiens ». « Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence temporelle, insiste le pape : célébrer le Dimanche de la Parole de Dieu exprime une valeur œcuménique, parce que l’Écriture sainte indique à ceux qui se mettent à l’écoute le chemin à suivre pour parvenir à une unité authentique et solide. » Concrètement, le troisième dimanche du temps ordinaire est le troisième après la fête du Baptême du Seigneur, dans la deuxième quinzaine du mois de janvier (en 2020, il s’agira du 26 janvier).

La participation des laïcs ne se résume pas à la question de l’ordination de viri probati ou de diaconesses.

Comment se déroulera-t-il ?
Les communautés devront trouver le moyen de vivre ce dimanche « comme un jour solennel », poursuit François. Et ceci, de plusieurs manières. En introduisant le texte sacré dans la célébrations eucharistique « de manière à rendre évidente à l’assemblée la valeur normative que possède la Parole de Dieu ». Mais aussi en soulignant sa proclamation et en adaptant l’homélie « pour mettre en évidence le service rendu à la Parole du Seigneur ».

Le pape insiste par ailleurs sur l’importance particulière de l’homélie, « unique occasion » pour beaucoup de fidèles de « saisir la beauté de la Parole de Dieu et de la voir se référer à leur vie quotidienne », qui exige qu’on passe du temps à la préparer. « On ne peut improviser le commentaire aux lectures sacrées », martèle le pape. Par ailleurs, les prêtres en paroisse pourront remettre la Bible à toute l’assemblée, pour marquer l’importance « d’en continuer la lecture dans sa vie quotidienne, de l’approfondir et de prier avec la Sainte Écriture, se référant de manière particulière à la Lectio Divina ».

Quels ministères adaptés ?
Les évêques, poursuit le pape, pourront profiter de ce dimanche pour « célébrer le rite du lectorat », c’est à dire admettre lors d’une célébration des ministres chargés – entre autres – de la lecture de la Parole de Dieu dans l'assemblé liturgique, comme cela se faisait déjà. Mais ils pourront aussi – et c’est la nouveauté du texte – « confier un ministère similaire » à des fidèles, hommes mais aussi femmes, pour « rappeler l’importance de la proclamation de la Parole de Dieu dans la liturgie ».

Le pape insiste en outre sur l’importance de la formation de ces lecteurs : « Il est fondamental, explicite-t-il, de faire tous les efforts nécessaires pour former certains fidèles à être de véritables annonciateurs de la Parole avec une préparation adéquate, comme cela se produit de manière désormais habituelle pour les acolytes ou les ministres extraordinaires de la communion. »

En quoi cela change-t-il ?
Il ne s’agit pas exactement d’une révolution car, dans les faits, des laïcs hommes et femmes font déjà les lectures à la messe le dimanche - première et seconde lecture, ainsi que le psaume. Mais, jusqu’à présent, le ministère du lectorat à proprement parler était réservé aux hommes - le motu proprio Ministeria quaedam du 15 août 1972, signé de Paul VI, avait en effet réformé le lectorat et l’acolytat, jusqu’ici réservés aux ministères ordonnés, en l’ouvrant aux laïcs, mais en le limitant aux seuls hommes, ministres institués mais pas ordonnés.

Le synode de 2008 sur la Parole de Dieu avait proposé de reconnaître la participation effective des femmes à la proclamation de la Parole en leur ouvrant le ministère du lectorat ou en instaurant un ministère extraordinaire de la Parole, pour hommes et femmes - idée exprimée par un groupe linguistique français, dont l’archevêque d’Albi, Mgr Pierre-Marie Carré, bibliste, était le rapporteur… Mais cette piste n’avait pas été tranchée dans l’exhortation apostolique finale.

François, lui, ne suggère pas d’ouvrir le ministère du lectorat existant aux femmes mais d’en proposer un « similaire » ouvert à tous. Une expression floue qui laisse une marge de liberté aux évêques sur la définition de ce ministère et invite à penser hors des catégories ordinaires, généralement minées sur le plan idéologique.

Pourquoi ce motu proprio ?
La philosophie de cette décision est de revaloriser la proclamation de la Parole de Dieu durant la liturgie, en faisant en sorte d’avoir des lecteurs formés et engagés, et non choisis en hâte juste avant la célébration. « C'est une provocation pastorale », résume Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, dans une interview explicative du motu proprio transmise par la Salle de presse du Vatican : « Nous savons comment cela se passe dans nos églises, explique le prélat, où c’est la première personne disponible que nous trouvons qui va lire. Mais ce n’est pas comme cela qu’il faut valoriser la Parole de Dieu, qui doit trouver des personnes, hommes et femmes, capables d'une proclamation authentique et, dans cette proclamation, d’une “intelligence du texte sacré”. » À quelques jours du début du synode sur l’Amazonie, c’est aussi une manière de montrer que la réflexion sur les ministères et la participation des laïcs ne se résume pas à la question de l’ordination de viri probati ou de diaconesses.