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Passionnés du patrimoine, ils restaurent leurs églises. Élodie Maurot, La Croix, le 05.07.2019

La Nuit des églises se déroule du vendredi 28 juin au dimanche 7 juillet 2019 partout en France. Pour entretenir les petites églises de village, des passionnés du patrimoine se mobilisent. Cet engagement témoigne du lien vivant et complexe qui unit les Français au patrimoine religieux et trouve un écho dans

Élodie Maurot, le 05/07/2019 à 16:48
Passionnés du patrimoine, ils restaurent leurs églises

Est-ce depuis quarante ou soixante ans que la petite église du village d’Orthoux, dans le sud des Cévennes, ne propose plus d’office religieux régulier ? La mémoire de Nicole Rivière, qui préside l’Association pour la sauvegarde de l’église d’Orthoux (ASEO), se perd tant cette époque s’éloigne déjà dans un passé lointain. Quand elle s’est installée définitivement dans ce hameau d’une commune 400 habitants, à sa retraite en 2012, l’église en tout cas menaçait ruine, en dépit des efforts menés par une équipe de bénévoles qui avait fini par jeter l’éponge, découragée.

Deux églises sauvées
« Je suis catholique pratiquante, j’ai longtemps fait le catéchisme et j’aurais pu reprendre à Saint-Hippolyte-du-Fort, à 20 km. Mais là l’urgence, c’était l’église », explique-t-elle. Elle fonde alors une association qui rassemble large – « s’il y a parmi nous 15 % de catholiques, c’est le bout du monde », sourit-elle. Puis se démène pour collecter des fonds – lotos, ventes de calendrier, concerts… –, se rapproche de la mairie, engage des frais pour une étude d’architecte. Après sept ans d’endurance, ses efforts ont abouti. Lors de la fête pour la fin du chantier, le 22 juin dernier, la petite église s’est offerte toute pimpante aux regards.

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À une centaine de kilomètres de là, dans la Drôme, à Suze-la-Rousse, l’attachement au patrimoine religieux est tout aussi vif. Jean-Marie Jolivet s’est passionné pour la préservation de l’ancienne église romane du village que le maire avait mise en vente fin 2017 sur le site Internet Leboncoin. Avec l’association de sauvegarde du patrimoine suzien qu’il préside, il a mobilisé les 2 000 habitants de la commune en lançant une pétition. La vente a été abandonnée.

« Il est fondamental que l’on transmette le patrimoine, nos valeurs. C’est là d’où nous venons », estime cet entrepreneur à la retraite, qui a reçu « une éducation chrétienne assez forte » mais ne pratique que dans les grandes occasions. Son engagement, il le vit d’abord au service du patrimoine, qu’il soit civil ou religieux, « mais je vibre davantage quand il s’agit de l’église », reconnaît-il.

Le maintien d’un « christianisme culturel »
Un double mouvement paradoxal traverse la France des clochers. D’un côté, l’Église catholique vit depuis plus d’un demi-siècle le déclin du modèle paroissial, avec un catholicisme devenu très minoritaire. De l’autre, on peut constater une « persistance rétinienne » de la paroisse, souligne le médiéviste Dominique Iogna-Prat (1). « La modernité correspond à une déprise monumentale, qui est la donne de fond, mais un fort attachement aux églises se maintient dans toutes les couches de la population, catholiques ou pas. Il y a un christianisme culturel qui joue à notre insu, un imaginaire inscrit dans notre chair de pierre. Nous n’arrivons pas à concevoir un rapport à ce que nous sommes et à notre passé sans cette présence monumentale. »

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Passionnés du patrimoine, ils restaurent leurs églises
Église de Bailleval, inauguration après travaux, 09/09/2018 / Julien Heyligen/LE Parisien/Maxppp

Exemple en Picardie, dans le petit village de Bailleval, 1550 habitants. Le maire Olivier Ferreira n’a eu aucun mal à faire financer sur fonds publics les travaux de l’église communale. Il a aussi bénéficié de l’aide de la Fondation du patrimoine. « Que l’on soit catholique ou pas, on identifie Bailleval par son clocher remarquable et on s’oriente à partir de l’église », justifie-t-il. Dans une commune semi-rurale, semi-urbaine comme la nôtre, l’école et l’église sont les points d’entrée dans la collectivité. » À l’image de ses administrés, le maire, sans étiquette, catholique non pratiquant, a un lien personnel à l’édifice. « Je m’y suis marié, mes enfants y ont été baptisés… C’est quelque chose de fort, une église », confie-t-il.

Qui sont ces Français qui veillent ainsi sur le patrimoine religieux tout en ayant des liens souvent distendus avec la communauté catholique et l’institution ? « Je ne connais pas d’enquêtes quantitatives qui nous permettent de cibler cette population », regrette Yann Raison du Cleuziou, sociologue du catholicisme contemporain, qui rappelle toutefois que l’attachement au patrimoine est « toujours révélateur d’une interrogation sur l’identité ».

Un patrimoine collectif et appropriable
Les églises participeraient ainsi, malgré la sécularisation, à la construction du commun. « La spécificité du patrimoine religieux monumental est qu’il est le seul patrimoine véritablement collectif, analyse Yann Raison du Cleuziou. Les églises sont le seul endroit où l’on peut admirer des œuvres d’art gratuitement. Ce patrimoine est accessible et appropriable, à la différence d’un château qui a un propriétaire privé, d’une mairie qui est occupée par des services ». Ces églises sont aussi le résultat de dons faits par les familles des villages en des siècles où le catholicisme n’était pas minoritaire. « C’est ainsi vraiment le patrimoine de tous : les non-catholiques en sont les héritiers indivis », souligne le sociologue.

Pour Mgr Jacques Habert, évêque de Sées, responsable du groupe de travail sur les églises à la Conférence des évêques de France, ces églises de village doivent en conséquence être l’objet de collaborations. « Quand une église a besoin de restauration, il faut essayer de réunir un triptyque : les paroissiens, la commune et l’association du patrimoine. Quand l’une ou l’autre des parties n’est pas là, cela devient plus difficile », partage-t-il d’expérience, tout en reconnaissant que « celui qui manque, c’est souvent le curé, occupé dans l’un de ses 25 clochers… »

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Comment l’Église peut-elle rejoindre ceux qui se mobilisent pour le patrimoine ? « Nous devons progresser sur ce plan-là, avance Mgr Habert. Formation diocésaine sur le sens des édifices, invitation du diocèse au moment des Journées du patrimoine, délégation d’une mission patrimoniale à des laïcs… « Pourquoi pas ?, réagit l’évêque. De nouvelles relations se cherchent. Les bénévoles sont souvent en demande d’explications spirituelles et liturgiques sur le monument, mais leur engagement est surtout une main tendue vers l’Église. »

(1) Il a notamment publié « La Maison Dieu, une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge (v.800 – V.1200), Seuil, et « La modernité face au mythe de pierre », Études, mars 2017.