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Violences sexuelles sur mineurs : le Sénat renonce à lever le secret professionnel
Emmanuelle Lucas, La Croix, le 30/05/2019 à 07:30 Modifié le 29/05/2019 à 17:39

Analyse Mercredi 29 mai, la mission d’information créée à la suite de la série de révélations d’abus sexuels dans l’Église catholique, l’été dernier, a rendu son rapport. Celui-ci remet à une réflexion ultérieure l’épineuse question de la levée du secret médical ou du secret de la confession.

Violences sexuelles sur mineurs : le Sénat renonce à lever le secret professionnel
(Photo d’illustration) La « Mission commune d’information sur les infractions sexuelles sur mineurs commises par des adultes », a été présentée devant le Sénat mardi 28 mai.

Jusqu’au dernier moment, les sénateurs ont discuté ferme. Sans parvenir à trancher une question pourtant centrale dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs : jusqu’où faut-il lever le secret médical et le secret de la confession ? Et c’est finalement sans les voies socialistes (qui se sont abstenues) que le rapport de la « Mission commune d’information sur les infractions sexuelles sur mineurs commises par des adultes », présenté en commission mardi 28 mai, a été adopté.

Cette mission avait vu le jour en octobre à la suite d’un appel lancé par le magazine Témoignage chrétien en faveur de la création d’une telle commission.

Pédophilie : pourquoi le Sénat a préféré une mission d’information à une commission d’enquête
Le rapport qui en est issu compte près de 300 pages au fil desquelles il tente « d’identifier d’éventuelles failles,”des trous dans la raquette” dans la protection qu’il convient d’apporter aux mineurs », expliquent les sénatrices Marie Mercier (LR), Michèle Meunier (PS) et Dominique Verien (Union centriste) en préambule. C’est à la fois un état des lieux précis des pratiques et dispositifs existants ainsi qu’un ensemble d’une quarantaine de propositions concrètes pour améliorer le système.

Seuls 5 % des signalements faits par les médecins
Deux d’entre elles ont particulièrement divisé les élus : les propositions 8 et 9 qui portent sur le secret professionnel, et notamment sur le secret médical. Depuis des années, les associations de protection de l’enfance dénoncent en effet que seuls 5 % des signalements soient faits par les médecins.

« Ceux-ci sont parfois pris en tenaille entre les injonctions contradictoires du Code pénal et du code de la santé publique qui définissent leurs droits et obligations, explique la sénatrice Marie Mercier (LR). Le Code de la santé publique impose au médecin de faire un signalement à chaque fois qu’il constate une violence, notamment sexuelle, sur mineur. Mais le Code pénal ne va pas exactement dans le même sens. Il interdit au médecin de violer le secret médical sauf en cas de danger. Du coup, certains professionnels sont perdus. »

Faut-il lever le secret médical face à un patient radicalisé ?
Dans une version initiale, le rapport proposait donc de « clarifier et faire connaître l’obligation pour les professionnels tenus à une obligation de secret de dénoncer les faits dont ils ont connaissance si cela permet d’empêcher un crime ou un délit de se produire. » En clair, l’accent était mis sur les dérogations qui permettent, déjà, la levée du secret. Surtout, dans sa proposition 9, il proposait d’introduire, sur le plan pénal, « une obligation de signalement pour les professionnels de santé et les travailleurs sociaux ».

Ces deux dispositions n’ont pas passé le cap de la commission où elles ont été profondément réécrites. La proposition 9, notamment, prône la création d’une nouvelle « mission spécifique » qui serait chargée d’étudier « la possibilité » d’introduire une obligation de signalement dans le Code pénal. Celle-ci ne concernerait cependant pas que les médecins mais aussi les « travailleurs sociaux et (…) ministres du culte qui constatent qu’un mineur est victime de possibles violences physiques, psychiques ou sexuelles. »

Que le secret de la confession ne soit plus assimilé au secret professionnel
Les élus socialistes voulaient, en effet, que le secret de la confession ne soit plus assimilé au secret professionnel comme c’est le cas aujourd’hui. Une jurisprudence de la Cour de cassation assimile en effet le secret de la confession au secret médical. De ce fait, un prêtre qui apprend dans le cadre d’une confession qu’une infraction sexuelle a été commise sur un mineur n’est légalement pas tenu de la signaler. Sur ce plan, le rapport sénatorial ne change rien.

D’où la déception des élus de gauche. « Ce texte est très décevant dès qu’il aborde les sujets un peu anguleux, comme celui de la spécificité des infractions sexuelles commises dans l’Église », regrette ainsi Laurence Rossignol (PS). Depuis le début des discussions, le groupe socialiste et apparenté estime en effet que la question des violences sexuelles commises dans l’Église présente des caractéristiques propres, notamment « le contexte d’omerta et l’emprise », selon la sénatrice, et méritait donc un traitement propre. Les socialistes avaient d’ailleurs demandé en vain la création d’une commission d’enquête parlementaire spécifique, consacrée exclusivement à la pédophilie dans l’Église.

« Il y a une réelle prise de conscience de l’Église face à la pédophilie »
« Pour notre part, nous avons décidé de faire confiance à la commission Sauvé pour faire toute la lumière sur les infractions commises au sein de l’Église de France, explique Marie Mercier. En tant que législateur notre travail se limite au contrôle des politiques publiques, or cette commission est une structure de droit privé et nous n’avons aucun pouvoir d’intervenir dans son fonctionnement. » Tout au plus les sénateurs ont-ils demandé que cette commission bénéficie de réels moyens d’action.

Sur le secret médical, la sénatrice LR, médecin elle-même, invite à la même prudence. « Tout d’abord, il faut bien voir que porter atteinte au secret médical ne serait pas sans conséquences pour les patients eux-mêmes. C’est un point cardinal de notre rapport avec eux. »

Poser une obligation de signalement dans le Code pénal pourrait, selon elle, conduire à fragiliser la confiance réciproque, ainsi qu’à une inflation de signalements infondés. « Il y a un risque réel que les médecins, pour se prémunir contre d’éventuelles poursuites pénales, signalent trop facilement. Or un signalement est loin d’être anodin. 80 % des violences sexuelles sur mineurs ont lieu dans la famille, ce qui veut dire tout de même qu’on prend le risque de séparer un enfant de sa famille et de traduire des parents en justice à tort. »