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Père Bogdan LESKO, curé.

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(Historique de l'agenda)

Le long retour des divorcés remariés aux sacrements.
Claire Lesegretain, La Croix, 8 avril 2018

 Le 8 avril 2016, le pape François publiait « Amoris laetitia », dans laquelle il encourageait les communautés chrétiennes à proposer aux divorcés remariés des parcours en vue d’un éventuel retour aux sacrements. La Croix a suivi pendant un an trois couples divorcés remariés de la région lyonnaise, engagés dans le « cheminement Bartimée » : Florence et Georges, Sylviane et Christian, Isabelle et Philippe. Ce parcours de discernement, mis en place depuis 2016 par une équipe de laïcs et l’ancien curé de Bron, permet à ceux qui le souhaitent d’accéder à nouveau à l’Eucharistie.

Bron, Saint-Priest (Rhône) De notre envoyée spéciale

Tous deux médecins, Florence et Georges se sont mariés civilement en 2005. Georges ayant été marié précédemment, les deux conjoints ne communiaient plus et n’allaient que rarement à la messe. « Il nous paraissait absurde et injuste de ne pas pouvoir se nourrir du corps du Christ alors que d’autres péchés, à nos yeux plus graves, n’excluaient pas de la table eucharistique », racontent Florence et Georges. Ils évoquent le sentiment qu’ils éprouvaient alors d’être « esseulés » sur leur banc au moment de la communion.

Pourtant, après s’être installés à Bron, commune proche de Lyon, dans une maison accueillante, Florence et Georges recommencent à aller à la messe et inscrivent leurs fils au catéchisme. En 2011, ils s’entretiennent avec le père Franck Gacogne, à l’époque curé à Bron, et lui demandent de les aider à trouver leur place dans l’Église. « Êtes-vous en paix, avec l’ex-conjoint, avec vous-même, au sein de votre couple ? », leur demande-t-il d’emblée. À partir de là, le couple et le prêtre se rencontrent régulièrement, et les conjoints s’investissent pour des permanences d’accueil et des séances de catéchisme. « La messe en famille prenait de plus en plus de sens pour nous. »

Alors que leur fils aîné prépare sa première communion en avril 2012, le couple se voit inviter par le père Gacogne à bâtir une célébration de bénédiction de leur union. Celle-ci a lieu cinq mois plus tard, dans l’intimité. « Et le lendemain, lors de la messe dominicale, nous avons re-communié pour la première fois après douze ans. Cela fut très lourd de sens et d’émotion. »

Depuis sept ans, Florence et Georges poursuivent des permanences d’accueil paroissial et sont membres de l’équipe d’animation pastorale de Bron. Ayant également accompagné une équipe Tandem (parcours des Équipes Notre-Dame pour couples jeunes, mariés ou non), ils sont appelés, après la parution d’Amoris laetitia (lire les repères), à accompagner le cheminement Bartimée pour personnes divorcées remariées. Ce parcours s’appuie sur le récit de la guérison de l’aveugle Bartimée (Mc 10, 46-52) dans lequel Jésus demande à la foule d’appeler cet homme qui crie sa détresse mais que tout le monde fait taire ; Jésus ordonne ainsi à la foule de changer d’attitude.

Chaleureuse et avenante, Sylviane a parcouru ce cheminement Bartimée. Après avoir épousé un Gabonais et avoir eu deux enfants avec lui, Sylviane a rencontré Christian, l’un de ses professeurs alors qu’elle terminait un DESS en communication à Lyon-III. Christian, non croyant, qui vivait en couple sans être marié, et son étudiante se rapprochent, s’aiment.

Suivent quatre années d’hésitation. Puis Christian et Sylviane s’installent ensemble dans un appartement lyonnais, se marient en 2007 et ont deux autres enfants. Après avoir parlé à son curé de sa souffrance de ne pouvoir communier, cette quadragénaire énergique entreprend une démarche de reconnaissance de nullité de son premier mariage et obtient une réponse positive de l’officialité en mars 2009. Mais ses scrupules ne s’apaisent pas. Un prêtre africain les ravive, lors d’une confession : « Quand on a été marié devant Dieu, on le reste toute la vie », lui assène-t-il.

La famille ayant déménagé à Bron, Sylviane se présente au père Gacogne fin 2016. « Il m’a parlé de l’équipe Bartimée, mais ce n’est qu’à la rentrée 2017 que je m’en suis rapprochée », se souvient-elle. Cet été-là, à Fatima, elle avait fait tout le parcours de procession sur les genoux : « Pour demander pardon pour mon premier mariage, car je n’avais pas voulu voir les signes de Dieu qui me montraient qu’il ne fallait pas que j’épouse cet homme… » Lors d’une deuxième rencontre Bartimée, Sylviane approfondit, avec les deux autres couples présents, sa compréhension de l’Évangile de Bartimée. « Nous étions tous d’accord, sourit-elle, pour dire qu’on avait envie, comme Bartimée, de rejeter loin notre vieux manteau », fait de tourments intérieurs, de jugements entendus, de sentiments d’indignité et d’exclusion… « J’ai exprimé ce soir-là ma souffrance de ne pas pouvoir communier, même si certains prêtres m’y autorisaient », poursuit Sylviane.

Se sentant « poussée à croire à la Miséricorde de Dieu », elle demande à être admise à nouveau à la table eucharistique. Avec Régine et Daniel Gendrin, un couple ami de la paroisse, Sylviane prépare cette célébration « Bartimée » qui a lieu le samedi 13 janvier 2018, à Bron. « Cela fait plus de dix ans que j’ai arrêté de communier, à la suite de mon divorce, raconte ce soir-là Sylviane avec sobriété. Je me trouvais indigne. Mais aujourd’hui, j’ai décidé de rejeter cette double peine que je me suis infligée, de ne plus être la petite dame au fond de l’Église… »

Un an plus tard, Sylviane confirme que cette célébration Bartimée a marqué pour elle « une renaissance ». « Avant, j’avais peur du regard de l’Église, je craignais que quelqu’un dans l’assemblée fasse une réflexion sur le fait que j’avais déjà été mariée. Mais désormais, je n’ai plus aucune crainte en ce sens, je suis fière de communier, fière d’avoir été appelée par Dieu à reprendre pleinement ma place de baptisée. »

Comme tous les couples divorcés remariés rencontrés par La Croix pendant plus d’un an, Isabelle et Philippe expriment cette même souffrance de ne pas se sentir pleinement intégrés dans l’Église. Et pour eux aussi, la célébration Bartimée, vécue le 7 avril 2018 à Saint-Priest, a été une source profonde d’apaisement et de joie. Philippe avait vécu un premier mariage chrétien en Haute-Loire pendant quinze ans jusqu’au départ soudain de son épouse avec une femme. Isabelle s’est mariée une première fois en 1993 avec un homme qui s’est révélé violent.

Grâce à un site de rencontre chrétien, après avoir longuement échangé par mails, les deux quadragénaires font connaissance en avril 2013, dans l’oratoire d’un centre hospitalier qu’ils fréquentaient alors. L’évidence de leur amour s’impose. Durant l’été, avec quatre de leurs six enfants, ils marchent sur le chemin de Compostelle. Un an plus tard, le couple s’installe à Saint-Priest. Et en 2016, Isabelle et Philippe se marient civilement. Désireux de recevoir une bénédiction, le couple trouve un prêtre du Prado, qui les accompagne pendant deux ans, avant de leur proposer un temps de prière « tout simple » dans un monastère de Haute-Loire. « Vous avez toute votre place dans l’Église », leur dit le prêtre, en allumant un cierge, signe de leur baptême.

Peu après, Isabelle et Philippe s’engagent dans le mouvement chrétien « Vivre et aimer », et Isabelle se lance dans la catéchèse pour enfants handicapés. C’est ainsi qu’elle entend parler du cheminement Bartimée : « On s’est aussitôt dit que c’était exactement ce que l’on cherchait. » Le couple rencontre le père Gacogne qui les met en contact avec Georges et Florence.

Leurs premières rencontres, dans une salle paroissiale, leur permettent de partager leurs parcours, de comparer leurs expériences d’accueil en Église et de méditer l’Évangile de Bartimée. « Nous ne revendiquons pas la communion ni la réconciliation comme un droit ou comme un mérite pour nos œuvres accomplies ou pour les épreuves subies », expose Philippe au cours de cette messe du 7 avril 2018, présidée par le père Gilles Vadon, curé de Saint-Priest et ami du père Gacogne. « Nous souhaitons pouvoir communier au corps et au sang du Christ pour affermir notre foi et notre espérance. »

« Nous comprenons la logique de la sanction qui frappe les divorcés remariés : le mariage est indissoluble, exprime le ”couple parrain” d’Isabelle et Philippe lors de cette célébration. Mais dans Amoris laetitia, la miséricorde s’affranchit de la loi ; le pardon, qui n’efface rien, redonne la vie. »

Philippe et Isabelle Communal-Louzas, divorcés et remariés. - Elisabeth Rull pour La Croix

Philippe et Isabelle accèdent à nouveau au sacrement de l’eucharistie. Office célébré par le père Gilles Vadon à la paroisse de Saint Priest. - Elisabeth Rull pour La Croix

A la fin de cette célébration, ils retrouvent d’autres divorcés remariés, dont Sylviane, ainsi qu’une des accompagnatrices de ce cheminement. - Elisabeth Rull pour La Croix

repères

Ce que dit « Amoris laetitia »

Avec son exhortation Amoris laetitia (La joie de l’amour) publiée le 8 avril 2016, le pape François a ouvert la possibilité d’un retour aux sacrements pour certains couples de catholiques divorcés remariés, au cas par cas, et après discernement (n. 296 et suivants).

Ce texte ne change pas la doctrine de l’Église – le mariage chrétien est monogame et indissoluble – mais veut pousser toute l’Église, fidèles et pasteurs, à « changer de regard, c’est-à-dire d’entrer dans une conversion missionnaire » (n. 201) sur les personnes ou les familles en situation de « fragilité », et impliquer davantage les Églises locales pour les « accompagner » (n. 308) et les « intégrer » (n. 299) au mieux.

Des diocèses partagés entre deux lignes pastorales
Claire Lesegretain

À l’égard des divorcés remariés, les services de pastorale familiale ont le choix entre deux courants : l’un propose un retour aux sacrements, après un discernement  ; l’autre ne l’envisage pas mais assure un accompagnement personnalisé.

Selon Christian et Nathalie Mignonat, auditeurs au Synode de la famille de 2015 et cofondateurs dans le diocèse de Lyon du « cheminement Bartimée », on distingue deux grandes lignes en ce qui concerne la pastorale des personnes divorcées remariées. Selon les choix de leur service de pastorale familiale, les diocèses de France se rattachent à l’un ou l’autre courant.

Une première tendance, représentée par le parcours Miséricorde et Vérité – fondé en 2011 par le père Gérard Berliet du diocèse de ¬Dijon et issu d’Amour et vérité, de la communauté de l’Emmanuel –, insiste sur la communion spirituelle. De même, Cana-Samarie – la branche de Cana, du Chemin-Neuf, destinée aux divorcés remariés – ne propose pas d’accéder à nouveau aux sacrements. Actuellement, le diocèse de Versailles fait appel à Cana-Samarie et celui de Séez, à Miséricorde et Vérité.

Un second courant, représenté par le réseau « Se DiRe » (de séparés, divorcés, remariés) de la Mission de France, propose aux personnes divorcées remariées de pouvoir cheminer vers un retour aux sacrements, si elles le souhaitent et après un temps plus ou moins long de discernement personnel et pastoral, « en conscience éclairée », souligne Nathalie Mignonat. Les Équipes Reliance (issues des Équipes Notre-Dame) ainsi que l’association Chrétiens divorcés, chemins d’espérance (fondée par le père Guy de Lachaux) s’inscrivent dans cette ligne. Le cheminement Bartimée, proposé par les Équipes Reliance, s’y rattache également.

Aujourd’hui, les diocèses de Poitiers, de Saint-Flour, d’Annecy, de Lille, de Toulouse, de Créteil, de Pontoise ou d’Évry s’inscrivent dans cette ligne. C’est le cas aussi du diocèse de Rouen, où Raphaëlle Tiberghien a mis en place, depuis longtemps, un parcours « Chrétiens divorcés, chemins d’espérance ». C’est donc cette ligne qui semble majoritairement choisie.

Mais l’essentiel, insistent Christian et Nathalie Mignonat, coordinateurs nationaux des Équipes Reliance, est que les responsables de pastorale familiale puissent se rencontrer régulièrement sur cette question. Ils en eurent l’occasion le 24 novembre dernier, en se retrouvant à Orsay (Essonne) avec la Mission de France et la théologienne Hélène Bricout, et le 30 mars à Paris, autour du père de Lachaux et de Véronique Margron. Ils pourront à nouveau partager à la Pentecôte, à Lourdes, où plusieurs accompagnateurs de Miséricorde et Vérité sont attendus.