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L’avènement de « Vatican II », concile inattendu
FRÉDÉRIC MOUNIER, le 24/02/2012 à 16:40


L’avènement de « Vatican II », concile inattendu
Assemblée d'évêques assistant à une session du concile Vatican II dans la basique Saint-Pierre, à Rome.

Lorsque, le 25 janvier 1959, trois mois après son élection, le « bon pape » Jean XXIII annonça, depuis la basilique romaine Saint-Paul-hors-les-Murs, qu’il allait convoquer un « concile général pour l’Église universelle », la surprise fut absolue. Le chef de l’Église catholique, usant de son pouvoir monarchique, n’en avait parlé à personne, ou si peu… Rien ne l’imposait. Si ce n’est l’urgence des temps. À ce stade, le pape Roncalli se contenta d’évoquer des objectifs larges : le renouvellement intérieur de l’Église, l’intensification de son témoignage dans le monde et sa volonté de dialogue avec les autres confessions chrétiennes.

Près de quatre ans plus tard, le 11 octobre 1962, ce fut le monde entier qui envahit la basilique Saint-Pierre de Rome. Jamais l’Église catholique n’avait compté autant d’évêques et jamais on ne les avait vus ensemble : 2 251 venus de 136 pays. Certes, les Européens étaient majoritaires (835, dont 385 Italiens et 122 Français). Mais l’Amérique latine est venue en force (517, dont 171 Brésiliens), suivie de l’Amérique du Nord (273, dont 196 des États-Unis), de l’Asie (290), de l’Afrique (273) et de l’Océanie (63).

Ce jour-là, François Mauriac observe dans La Croix : « Ces évêques de toutes races, de toutes couleurs accourus à Rome annoncent que les temps de la conquête et de la domination sont révolus et que nous sommes devenus des frères partout où nous étions des maîtres. » Pourtant d’autres maîtres veillent : les grands absents ont dû rester derrière le rideau de fer. Les pouvoirs totalitaires communistes ont en effet multiplié les tracasseries administratives. Seuls quelques-uns, tels le jeune Karol Wojtyla, évêque auxiliaire de Cracovie, pourront bénéficier d’un « passeport de service pour l’étranger », document du Saint-Siège signé de la main du substitut de la Secrétairerie d’État, en 1963, Mgr Angelo Dell’Acqua.

Un concile pour scruter les « signes des temps »
Mais surtout, immense innovation par rapport au concile précédent, Vatican I, 17 Églises chrétiennes non catholiques sont présentes à Saint-Pierre en ce 11 octobre, avec un statut, inédit et bienvenu, d’observateurs. La dernière session, en 1965, rassemblera 29 Églises. En fait, comme l’a fait remarquer plus tard Mgr Heenan, évêque de Liverpool, « en ce premier jour aux places qui nous ont été assignées, nous étions tous des étrangers les uns pour les autres ».

Le latin, seule langue officielle du concile, n’était pas compris par tous de la même manière. Et surtout, personne ne connaissait ni le projet ni la durée de l’événement solennel qui débutait… Vite, les uns et les autres vont faire connaissance et se passionner pour ce qui va devenir « leur » concile.

Dans son allocution d’ouverture, ce 11 octobre, Jean XXIII livre la clé de lecture de « son » concile : il s’agit de proposer le « dépôt sacré de la foi, sans condamner les nouvelles erreurs » et de scruter les « signes des temps ». D’emblée, le pape récuse les « prophètes de malheur » qui ne voient que « ruines et prévarications » dans le monde contemporain.

Affrontement entre « traditionalistes » et « progressistes »
Les sceptiques sont nombreux. Parmi eux, le théologien dominicain français Yves Congar grince : « Le système que Rome a monté patiemment prend dans ses bras de fer le petit enfant du Concile qui vient de naître et veut vivre. » De même, le théologien jésuite français Henri de Lubac, tout étonné, après les sanctions qui l’avaient frappé, d’être nommé expert, note dans ses carnets : « La commission préparatoire de 1961 est un véritable désastre. » Quelques jours plus tard, le « patron » des évêques français, le cardinal Achille Liénart, met les points sur les i en mettant le holà à cette tentation romaine.

Dès la première session, du 11 octobre au 8 décembre 1962, qui se terminera sans adopter aucun texte, « traditionalistes » et « progressistes » s’affrontent sur la liturgie, notamment sur l’usage des langues locales et la participation des fidèles. Les sources de la Révélation (Écriture et Tradition), les moyens de communications sociales, la collégialité épiscopale, le rapprochement avec les Églises orientales seront également débattus, sans dégager un axe fort, mais chacun sentait dans l’air de la basilique la tension entre une certaine hardiesse et un immobilisme rassurant, hérité de Vatican I.

Comme le confiait alors à La Croix (1er octobre 1962) le nouvel académicien français Jean Guitton : « Un Concile, c’est un commencement. C’est comme l’amour conjugal ; à la fin seulement, on peut dire si on a aimé. Car il faut faire durer le commencement de l’amour conjugal pendant toute une vie. Il en va de même pour le Concile. »

300 séances de travail
Au cours des 300 « congrégations » (séances de travail) que comptera Vatican II, rythmées durant quatre ans par les navettes entre leurs diocèses (neuf mois) et Rome (trois mois), les évêques vont sortir de leur horizon personnel pour se confronter, en suivant le retour aux sources creusé durant les décennies précédentes par les mouvements liturgiques, bibliques, œcuméniques, aux grands débats : redécouverte de la Parole de Dieu, collégialité, relation avec les laïcs, guerre et paix, responsabilité de l’Église universelle, liturgie, liberté religieuse, etc.

Le 2 décembre 1962, Mgr Montini, qui ne savait pas encore qu’il succéderait à Jean XXIII six mois plus tard, décrivait à son diocèse de Milan « une expérience le plus souvent douce, d’autres fois forte et poignante, parfois dramatique, et aussi pesante et douloureuse à certains moments ». Ce que Jean-Paul II appellera plus tard « l’événement de grâce du XX e siècle ». Il faut souligner l’« optimisme » de Vatican II : l’Église n’est plus comprise comme le second terme d’une alternative qui l’oppose au monde, mais en solidarité avec lui, dans l’Histoire, participant à la marche commune vers le salut.

Mgr Joseph Doré, théologien, archevêque émérite de Strasbourg, y a vu, presque cinquante ans plus tard, « un changement fondamental de la conception que l’Église avait d’elle-même ». À la hauteur des « immenses attentes soulevées par l’annonce de ce Concile », note l’historien français Jacques Prévotat, qui a édité les Carnets du Concile du cardinal de Lubac (Éd. du Cerf, 2007), l’un des Français acteurs majeurs.

Cela ne s’est pas fait sans heurts. Ainsi, lorsque meurt Jean XXIII, le 3 juin 1963, rien ne dit que le Concile se poursuivra. Au conclave, ses adversaires se démènent. Et, dit-on, c’est d’un cheveu que le cardinal Montini est élu, le 21 juin. Dès le lendemain, il annonce la poursuite du Concile, dont la deuxième session s’ouvrira trois mois plus tard.