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Bible et archéologie font-elles bon ménage ?

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Archéologie
Bible et archéologie font-elles bon ménage ?
11 mai 2023 - Bible, Christianisme, Egypte, Judaïsme, Proche-Orient,
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Alors que l’archéologue et grand savant Jean-Louis Huot (1939-2023) est décédé le 26 avril dernier, nous reprenons, en lui faisant hommage, un dossier auquel il a contribué à plusieurs reprises pour Le Monde de la Bible.
La question des relations bonnes ou conflictuelles qu’entretiennent la Bible et l’archéologie ne date pas d’hier. Elle a à trois reprises fait la une du Monde de la Bible.

Dans un article qu’il nous avait confié dans l’un de ces trois dossiers («L’Archéologie et la Bible», n° 75, mars 1992), Jean-Louis Huot raconte son métier d’archéologue, et les fausses pistes que l’archéologie ne doit pas suivre. Tout d’abord rappelant que cette discipline s’est lentement professionnalisée et s’est dotée de connaissances et de méthodes scientifiques, il rappelle aux béotiens que nous pouvons être que «la découverte de l’objet n’est pas le but de l’archéologie, et la chasse au trésor encore moins. Même si le plus enragé archéologue d’aujourd’hui, tombant – j’allais écrire “par hasard” – sur une belle pièce, se réjouit-il comme un enfant, car il n’est pas obligatoire d’être masochiste pour faire ce métier. Mais ce métier n’est pas celui d’un antiquaire. En ce sens les expositions sur les splendeurs et les trésors sont bien des fausses pistes.»

Lire : Les fausses pistes de l’archéologie par Jean-Louis Huot
À cette perception erronée de l’archéologie, s’ajouter une autre fausse piste et un véritable danger : «Il en est de plus pernicieuses et, de nos jours, la plus dangereuse m’apparaît être la récupération politique.» Et il ajoute : «C’est une banalité que de souligner les rapports étroits qui peuvent exister entre l’enquête archéologique et le combat politique le plus actuel» et d’énumérer dans l’histoire des exemples de telles compromissions où archéologie et renaissance nationale sont étroitement liées.

La compromission n’échappe pas à l’exploration dans les pays bibliques : «On conçoit donc combien, pour l’archéologie des pays bibliques, le problème est délicat. L’archéologie n’aurait-elle d’intérêt que si elle porte sur des périodes par ailleurs éclairées par les textes bibliques, et faudrait-il privilégier l’archéologie de l’âge du Fer ? La fouille ne sert-elle qu’à illustrer, conforter, expliquer le texte biblique ? Faut-il rechercher une concordance parfaite entre les conclusions des archéologues et les affirmations de la Bible? De telles tentatives ne sont pas sans équivoque, comme le sont les titres du genre « La Bible arrachée aux sables », ou des disciplines qui se voudraient “archéologie biblique”.»

Lire La Mésopotamie sans la Bible par Jean-Louis Huot
Pour l’archéologue qui fouilla en Irak, la Mésopotamie n’étant pas considérée comme une terre biblique, l’archéologie put s’y réaliser hors des pressions que les partisans de «l’archéologie biblique» faisaient peser sur la Palestine notamment. C’est le sens de son article La Mésopotamie sans la Bible. Pourtant les ingrédients y sont : «Avant la fin du XIXe siècle, qui se doutait que le poème de la création et l’image de Yahvé “modelant l’homme avec la glaise du sol” (Gn 2,7) étaient un emprunt à la mythologie mésopotamienne, au même titre que le récit du Déluge (Gn 6-8) ? Certains soupçonnaient à peine que la tour de Babel (Gn 11) était inspirée par la ziggourat (tour à étages) de Babylone, découverte par les juifs lors de l’Exil (VIe siècle av. J.-C.). D’ailleurs, où était Babylone?»

«Botta, Layard ou Koldewey (le fouilleur de Babylone de 1899 à 1917) n’étaient pas de grands “biblistes” mais des hommes cultivés qui connaissaient la Bible aussi bien qu’Hérodote, Diodore de Sicile ou Strabon, écrit-il. Il n’y eut pas d’archéologie “biblique” en Mésopotamie. Personne n’y a jamais fouillé la Bible à la main. L’aurait-on fait, la déception aurait été grande. Ur est-elle la “patrie” (?) d’Abraham ? Il n’est pas sûr que Ur Kasdim (Gn 11,27) soit à traduire Ur des Chaldéens. Aucune trace d’Abraham sur ce site célèbre, malgré les fouilles de l’entre deux guerres. La ziggourat de Babylone est-elle la tour de Babel ?»

Lire Depuis quand les archéologues font-ils la loi ? par Estelle Villeneuve
Qu’en fut-il en Palestine puis en Israël où «l’archéologie biblique» est née, entendons par là des fouilles réalisées Bible à la main. Estelle Villeneuve, dans un article intitulé Depuis quand les archéologues font-ils la loi ?, répond en reprenant la longue histoire de 150 années de fouilles en Terre sainte. L’échec de l’archéologie biblique, notamment à Jéricho, a laissé croire à l’opinion publique que les archéologues pouvaient dire vrai quand la Bible disait faux.

Dans cet article passionnant, il est bon de rependre avec Estelle Villeneuve les étapes et suivre les pionniers archéologues, de « l’archéologie biblique » à l’école de « La Nouvelle Archéologie », plus professionnelle. Nous livrons ici ses conclusions en guise de réponse finale à la question posée :
«On voit d’abord que brandir l’archéologie pour prouver ou au contraire nier l’exactitude biblique résulte de la même démarche positiviste, inapte à envisager la Bible autrement que comme un manuel d’histoire. Si elle en reste là, l’archéologie, de fait, ne peut aboutir qu’à un dialogue de sourds !

Au-delà de cette impasse, il faut reconnaître à l’archéologie le mérite d’avoir replacé le passé d’Israël, auquel la Bible accordait un statut d’exception, dans les grands mouvements politiques, sociologiques et culturels du Proche-Orient ancien. Et c’est à l’aune de cette réalité-là que les historiens et les exégètes tentent aujourd’hui de comprendre les enjeux de la rédaction biblique, plusieurs siècles après les faits qu’elle raconte.

Forts de 150 ans d’expérience, les archéologues ont aujourd’hui pris conscience que les vestiges qu’ils exhument, aussi neutres soient-ils, nécessitent une interprétation qui, elle, n’échappe pas totalement à leurs présupposés herméneutiques. Et lorsqu’il s’agit du passé de la Terre sainte et des sources bibliques, nul n’ignore que les convictions politiques ou religieuses pèsent plus lourds, ici comme partout ailleurs. Le recours aux chiffres et aux graphiques des sciences exactes permettra-t-il aux archéologues de demain de traiter les données plus objectivement que sur la base des typologies habituelles ? Acceptons-en l’augure….

Quoi qu’il en soit, l’archéologie a montré que l’exactitude historique n’était pas le propos des rédacteurs bibliques et qu’il n’était plus possible de faire une lecture au pied de la lettre des textes sans risquer d’en dénaturer le sens. Quant à tirer les enseignements de la Bible en tant que littérature sacrée, historiens et archéologues sont, sur ce point, totalement incompétents ; la tâche en revient exclusivement aux théologiens.»