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Fin de vie : « Autoriser sous conditions ou interdire avec des exceptions ? . Éric Fourneret, La Croix le 19.04.2023
tribune
Éric Fourneret
Maître de conférence en philosophie, Université catholique de Lille
Éric Fourneret, maître de conférences en philosophie à la Catho de Lille, rappelle dans son texte que loin d’un continuum, il y a une différence majeure entre la sédation prévue par la loi Claeys-Leonetti et l’euthanasie ou le suicide assisté : dans le premier cas, on ne fait pas obstacle à la mort, alors que dans les seconds on la provoque.

Éric Fourneret, le 19/04/2023 à 18:26
Lecture en 4 min.
Fin de vie : « Autoriser sous conditions ou interdire avec des exceptions ? »
Dans une situation d’extrême vulnérabilité, une personne peut actuellement choisir d’arrêter l’ensemble des processus médicalement installés pour maintenir artificiellement sa vie.

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Les choix pour la mort renvoient à un ensemble de gestes qui ne sont pas réductibles entre eux. S’ils ont en commun d’appartenir à des situations d’extrême vulnérabilité, telle une maladie mortelle et incurable, et s’ils possèdent la même finalité (le décès désiré par la personne directement concernée), ils se distinguent par leur nature. Ce sont ces gestes sur lesquels la Convention citoyenne sur la fin de vie a travaillé pendant quatre mois.

Dans une situation d’extrême vulnérabilité, une personne peut actuellement choisir d’arrêter l’ensemble des processus médicalement installés visant à maintenir artificiellement sa vie (dont ses traitements). Si elle juge que ce gain de vie est disproportionné et futile par rapport à sa qualité, elle peut demander de tout arrêter, oralement si elle est encore consciente, ou au moyen de « directives anticipées » si elle ne l’est plus. Pour autant, cela ne signifie pas le retrait de tous les soins. La lutte contre les douleurs et les souffrances reste le cœur du métier du soignant, afin que la survenue de la mort se fasse le plus paisiblement.

La mort à son rythme
Se propose ensuite un acte, souvent complémentaire au précédent, qu’on appelle « la sédation » et dont la réalité exacte est encore très méconnue du grand public. Il recouvre une diversité de gestes qui consistent à faire usage de médicaments pour diminuer la vigilance de la personne, et dans les situations les plus aiguës, pour couper sa conscience.

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Aussi, la pratique sédative implique-t-elle une adaptation singulière à chaque patient et à ses besoins. Parfois, quand son état est trop critique et résistant aux méthodes plus classiques, les soignants peuvent aller jusqu’à son endormissement profond en excluant toute perspective de réveil, laissant la mort arriver à son rythme (la sédation profonde et continue jusqu’au décès, « Loi Claeys-Leonetti », février 2016).

Une pratique complexe
D’un point de vue éthique, cette pratique est complexe pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’évolution critique de l’état du patient peut exiger une augmentation des doses médicamenteuses, avec l’effet possible, prévisible, mais non voulu, d’accélérer sa mort. Ensuite, le sens de le maintenir en vie jusqu’à son décès interroge puisqu’il ne peut plus entrer en relation avec ses proches.

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Quel est le sens de cette présence à l’autre quand l’autre-endormi ne peut plus vivre cette présence ? Ce geste est encore complexe parce le corps soulagé de ses douleurs et de ses souffrances peut retrouver un peu d’élan, et la mort qu’on attendait sous peu prendre plus de temps pour venir. Enfin, certains soignants expliquent qu’ils ne sont parfois pas sûrs d’avoir véritablement apporté du confort au malade. Les militants pour l’euthanasie et le suicide assisté dénoncent alors une forme d’hypocrisie : face à cette réalité de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, pourquoi interdire l’aide active à mourir ?

Vers l’euthanasie et le suicide assisté
Dans ses recommandations, la Convention citoyenne a proposé l’ouverture du cadre légal français vers l’autorisation de l’euthanasie (provoquer la mort d’autrui à sa demande avec des produits létaux), et le suicide assisté (donner à autrui les moyens médicamenteux de se donner lui-même la mort). L’un des grands principes de cette proposition est celui du respect de la volonté de la personne qui demande à mourir. Choisir sa mort par l’acte euthanasique ou par suicide assisté s’inscrirait alors, si le législateur s’engageait sur cette voie, dans l’évolution des droits des malades contenant déjà l’arrêt des traitements et la sédation.

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Mais il est aisé de percevoir toute la complexité de ces situations qui appelle d’abord une préoccupation pour toutes les vulnérabilités : celle du malade dont le malheur exige notre attention à son degré le plus haut (comment permettre à la volonté d’exister à ses heures les plus sombres) ; celles des soignants et des aidants non professionnels (la famille, les proches, les bénévoles) que l’organisation managériale du système de santé a condamné à ses effets destructeurs (burn-out, maltraitances, démissions, mal-être, etc.).

En effet, la valeur d’une vie, qu’elle soit celle d’un patient ou d’un soignant, ne se décide pas sur le cahier des recettes et des dépenses, sinon de réduire toute vie souffrante à une vie indésirable. Cette position est moralement intenable, comme aucune loi ne peut apprendre à qui que ce soit comment entendre le soupir de celles et ceux qui s’éteignent.

Une distinction fondamentale
Voilà pourquoi la présentation faite ici des quatre gestes de mort choisie appelle une distinction fondamentale : d’un côté, se trouvent les décisions et les actions qui consistent à provoquer la mort en faisant obstacle à la vie (euthanasie et suicide assisté) ; de l’autre, celles qui consistent à accompagner la vie sans chercher à faire obstacle à la mort (l’arrêt des traitements et la sédation). La négliger reviendrait à mettre sur le même plan des actes qui éthiquement orientent une société dans des directions très différentes. Cela ne signifie pas que le cadre légal ne devrait pas évoluer vers l’aide active à mourir, mais s’il évoluait, il devrait nécessairement la prendre en compte.

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Aussi, convient-il de prendre la mesure d’une autorisation sous conditions avec le risque de plonger la volonté du patient dans l’indifférence d’une bureaucratie de la mort, qui n’en serait finalement qu’une esquive, et aux critères d’entrée toujours évolutifs. En miroir, la mise en œuvre d’une commission d’experts, changeante à chaque situation, afin qu’elle analyse l’imprévisibilité des circonstances, permettant l’identification ou non du caractère exceptionnel d’une euthanasie ou d’un suicide assisté, se propose comme le maintien de l’interdit avec des exceptions, tel que proposait par l’Avis no 63 du CCNE en 2000. Comme le travail de la Convention citoyenne ne s’y est pas trompé, il est moralement impossible d’enfermer la réalité dans une réponse simpliste : vivre ou mourir.