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Sanctions de l’Église contre les prêtres : faut-il les publier ? Héloïse de Neuville avec Clément de La Vaissière. La Croix le 15/12/2022

Explication L’« affaire Santier » a relancé le débat sur l’opportunité de révéler aux fidèles les sanctions canoniques dont font l’objet prêtres, religieux, évêques… Le droit de l’Église ne prévoit pas toujours le secret des sentences. Cette culture de non-divulgation des sanctions – qui s’est imposée par la pratique – est désormais remise en question.
Héloïse de Neuville avec Clément de La Vaissière, le 15/12/2022 à 12:07
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Sanctions de l’Église contre les prêtres : faut-il les publier ?
Audience du procès de dix accusés le 17 novembre 2021, dont le cardinal Angelo Becciu, dans l'affaire de l'immeuble Knightsbridge à Londres il y a près de dix ans.
HANDOUT/AFP
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► Le droit canon prévoit-il le secret des sanctions dont font l’objet certains prêtres ?
Toutes les sentences prises par le dicastère pour la doctrine de la foi, qui détient une compétence exclusive sur les délits les plus graves du droit pénal canonique (« delicta graviora »), sont couvertes par le secret pontifical, à l’exception des sentences concernant les délits sexuels sur mineurs. La communication de la sentence concernant les mineurs, si elle a lieu, doit se faire dans des termes sobres et succincts.

Pour les délits sexuels concernant des majeurs qui ne sont pas traités par le dicastère pour la doctrine de la foi, les évêques sont autorisés à communiquer une sentence visant un clerc, dans le respect des parties.

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Dans les faits, les sanctions ne sont presque jamais rendues publiques, Rome recommandant le plus souvent la discrétion, comme ce fut le cas dans l’affaire Santier. « La Congrégation pour la doctrine de la foi m’avait demandé de prévenir les évêques si je le jugeais utile, autant que possible oralement », a par exemple expliqué le président de la Conférence des évêques de France pour justifier le silence de l’épiscopat sur cette affaire.

« Un souci d’éviter le scandale public »
Les victimes de violences sexuelles dans l’Église peuvent être informées – ou non – de la peine appliquée à leur agresseur, selon le bon vouloir de l’évêque, la plus haute autorité judiciaire du diocèse. « Il y a dans l’Église une pratique de discrétion, motivée par le souci d’éviter le scandale public », explique Thibault Joubert, maître de conférences en droit canonique à l’université de Strasbourg.

L’Église met également en avant le souci de préserver les témoins, les victimes, mais aussi les accusés, selon le principe de l’égale dignité des baptisés. « Il y a une ligne de fracture entre la logique de l’Église et celle de la culture démocratique moderne, qui exige de la transparence en matière de justice », poursuit Thibault Joubert. L’Église se trouve face à un dilemme : satisfaire l’exigence de transparence des fidèles ou maintenir cachées les sanctions.

► Quels sont les arguments en faveur et en défaveur de la publication des sanctions canoniques ?
Le droit canonique étant au service du salut des âmes, la réinsertion doit être possible pour le pécheur qui manifeste son repentir. Or, « si l’on publie la peine, ça peut empêcher toute possibilité de réinsertion de l’accusé. La résonance risque d’être trop forte dans certains cas », avance le père Emmanuel Petit, recteur de l’Institut catholique de Paris et docteur en droit canonique.

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À l’inverse, la publication des sanctions peut avoir deux effets bénéfiques, comme le montrent deux affaires récentes : premièrement, cette publicité peut susciter de nouveaux témoignages de victimes, qui souvent craignent de ne pas être crues. La connaissance d’une condamnation visant leur agresseur supposé peut les aider à signaler aux autorités ecclésiales et judiciaires les faits dont elles disent avoir été victimes. Après que l’hebdomadaire Famille chrétienne a publié la sanction dont Mgr Michel Santier a fait l’objet, au moins huit témoignages supplémentaires émanant d’hommes se disant victimes de l’évêque émérite de Créteil ont été portés à la connaissance de l’Église.

Fort de ces nouveaux signalements, Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras, est désormais chargé par Rome de l’enquête préliminaire qui décidera d’un éventuel procès canonique à l’encontre de Mgr Santier.

Des prêtres qui défient les sanctions
Deuxièmement, la publication des sanctions canoniques peut également être utile face à des prêtres à la personnalité manipulatrice, qui profitent du secret de leur condamnation pour continuer leurs activités pastorales, au mépris de la vie de pénitence requise par la sanction qui les frappe. Ainsi en est-il du prêtre-artiste Marko Rupnik, qui, bien qu’interdit de tout ministère public, continuait de prêcher en ligne et prévoyait une session d’exercices spirituels pour prêtres et religieux en février 2023, au sanctuaire de Loreto (Italie).

L’absolue discrétion que Rome exige sur les sanctions a pu, par le passé, permettre de graves dérives. L’un des cas les plus emblématiques concerne les religieux Thomas et Marie-Dominique Philippe.

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Ces deux dominicains, frères de sang, condamnés dans les années 1950, ont vraisemblablement profité du secret entourant leur sanction pour contourner les interdits dont ils faisaient l’objet. Après avoir été sanctionné, Thomas Philippe a cofondé l’Arche avec Jean Vanier et Marie-Dominique Philippe a fondé la communauté Saint-Jean. Ils ont par la suite réitéré les abus spirituels et agressions sexuelles pour lesquels ils avaient initialement été condamnés.