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Mgr de Moulins-Beaufort : « Dieu purifie son Église pour la rendre plus apte à sa mission », La Croix, le 21.12.2022

Entretien À l’approche de Noël, le président de la Conférence des évêques de France (CEF) et archevêque de Reims, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, fait le point sur la lutte contre les abus sexuels et tente de se projeter vers l’avenir.

Recueilli par Céline Hoyeau et Arnaud Bevilacqua, le 21/12/2022 à 16:50
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Mgr de Moulins-Beaufort : « Dieu purifie son Église pour la rendre plus apte à sa mission »
Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des Évêques de France (CEF), lundi 19 décembre 2022 à la Maison de la CEF à Paris.

ALEISTER DENNI/POUR LA CROIX
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La Croix : Les derniers mois ont été marqués par de nouvelles révélations d’abus dans l’Église, avec l’impression d’un retour en arrière, comment relisez-vous cette période ?

Mgr Éric de Moulins-Beaufort : Nous avons entamé un grand travail mais il est vrai que le choc de l’affaire Santier, en octobre, a semblé abîmer le bénéfice de ce que nous avions mis en œuvre. Certains ont eu le sentiment que nous, évêques, avions manqué à nos engagements. À mon sens, cela s’inscrit dans un travail continu de mise au jour de la vérité des faits, de travail avec les différentes instances mises en place et aussi avec Rome, pour progresser dans notre culture face aux abus.

(À lire aussi - Gestion des abus sexuels : au Vatican, les évêques français ont discuté des « dysfonctionnements » romains)

J’ai vécu l’Assemblée de novembre comme un nouveau temps de vérité entre évêques et comme une manière de vérifier la solidité de notre détermination. Avec aussi un certain soulagement de pouvoir parler publiquement car je savais que des évêques étaient mis en cause, sans forcément connaître les faits qui leur étaient reprochés. Il serait faux de croire que le président de la Conférence épiscopale est au courant du contenu des enquêtes canoniques. Il n’a d’ailleurs pas vocation à être le grand juge des évêques de France.

Lors de votre visite à Rome mi-décembre, avez-vous demandé plus de transparence ?

Mgr É. de M.-B. : Nous essayons ensemble de trouver comment progresser dans le traitement de ces situations. Les dicastères concernés ont reconnu des dysfonctionnements, des lenteurs. Nous avons expliqué qu’il fallait sortir de l’idée que si un scandale n’est pas notoire, il ne vaut pas la peine de publier les sanctions.

Il faut sortir de ce principe, tout en tenant compte de chaque cas particulier. Il ne suffit pas de dire : « Rome a dit de ne rien dire, donc nous ne disons rien ». Il faut nous donner les moyens d’avoir une vraie réflexion sur ce que l’on dit, ce que l’on ne dit pas, pourquoi on le dit, pourquoi on ne le dit pas. Nous devons être capables d’en rendre compte.

Il est clair aujourd’hui que nous pouvons dire au Saint-Siège : nous pensons utile de pouvoir rendre publique telle ou telle information. C’est à cet effet que nous avons décidé de mettre en place un organe de suivi avec des experts extérieurs, laïcs, pour conseiller les archevêques qui auraient à gérer de telles situations.

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Les dernières révélations ont suscité un mouvement de colère parmi les fidèles, comment regagner leur confiance ?

Mgr É. de M.-B. : Nous avons bien entendu ce mouvement de colère, surtout chez les chrétiens les plus engagés. Ils ont eu l’impression que nous n’avions pas mérité leur confiance. Cette colère a beaucoup pesé sur les évêques lors de notre Assemblée. Certains évêques eux-mêmes très en colère car la plupart ne savaient rien, ou pas grand-chose ! Nous avons pris des mesures. Nous espérons qu’elles vont contribuer à renouer la confiance.

Comment affrontez-vous cette crise, comme président de la CEF ?

Mgr É. de M.-B. : Quand j’ai été élu, je savais que j’aurais cela à porter. C’est la croix de notre génération de chrétiens d’être dans cette phase de purification de l’Église, en respectant le temps des personnes victimes afin qu’elles puissent parler. Dieu purifie son Église pour la rendre plus apte à sa mission, j’en suis convaincu. Toute notre tâche est de persévérer.

Mais on voit que nous progressons dans une certaine culture de la vérité. C’est un travail qui prendra du temps, qui se vit dans l’Église, mais aussi dans la société. La phrase qui me tient, c’est celle du prophète Baruch citée dans l’épître aux Romains : « Celui qui est juste par la foi vivra » (1,17). Il nous faut nous accrocher au Christ qui fait passer par un chemin d’humilité, voire d’humiliation.

(À lire aussi - Crise des abus sexuels, les laïcs imposent leur voix)

Vous faites partie de la génération Jean-Paul II, taillée pour la nouvelle évangélisation, mais celle-ci est grevée par les scandales, comment le vivez-vous ?

Mgr É. de M.-B. : Pendant mes études, nous étions dans l’élan du pontificat de Jean-Paul II, du cardinal Lustiger et du cardinal Decourtray. C’était une période exaltante. Nous avions l’impression, après les flottements de l’après-Concile, que nous allions enfin pouvoir vivre la vérité de la foi : on allait voir ce qu’on allait voir !

Avec la chute du mur de Berlin, le monde s’est transformé d’une manière qui n’est pas celle que nous imaginions. Et, nous avons vu éclater au grand jour cette part d’ombre des abus dans l’Église. Il faut le prendre comme un signe des temps.

(À lire aussi - « Ni l’ordination ni les honneurs ne préservent de commettre des fautes » reconnaît Mgr de Moulins-Beaufort)

Dans ce contexte, comment repenser l'évangélisation ?

Mgr É. de M.-B. : Pour une part, elle se fait toute seule : nous voyons arriver des catéchumènes – quelques milliers tout de même. Par ailleurs, il nous faut revoir toute notre organisation pastorale, fondée sur le maillage territorial que nous ne pourrons plus tenir à l’avenir.

Nous étions dans une pastorale de l’encadrement, il faut aller vers celle de l’accompagnement. Le secret de l’Évangile, c'est la liberté spirituelle que le Christ donne. C’est cette liberté spirituelle qu'il faut nourrir chez les fidèles, c'est d'ailleurs elle qui est attaquée dans les abus de pouvoir ou sexuels.

Ressentez-vous un certain malaise des prêtres, bousculés dans leur identité ?

Mgr É. de M.-B. : La période n’est pas simple : ils sont peu nombreux et nos structures sont obligées de se transformer, avec un ministère qui se repositionne... Par ailleurs, les prêtres ont pris beaucoup de coups : lorsqu’on est prêtre aujourd’hui, on risque toujours d’être pris pour un criminel en puissance ; il y a trente ans, on pouvait nous prendre pour des fous, mais des fous sympathiques qui allaient faire du bien !

Les prêtres participent aussi à notre monde, marqué par une accélération du temps et une inquiétude pour l’avenir, et à ce que seront nos sociétés demain. Je crois que ce dont les prêtres ont le plus besoin, c'est de temps, pour pouvoir être des hommes d’intériorité, de paix et de silence, pour ensuite aider chacun à trouver le sens de la vie dans la lumière du Christ.

(À lire aussi - Denier de l’Église : malgré les crises, les catholiques ne coupent pas les vivres à leurs paroisses)

L’année 2023 va être marquée par un nouveau débat sur la fin de vie, comment l’Église compte-t-elle poursuivre son engagement ?

Mgr É. de M.-B. : Notre dernière expression s’est tenue lors de la deuxième session de la Convention citoyenne par la voix de l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich, dans un cadre respectueux et bien défini. Il nous faut faire entendre notre voix au bon moment et apporter notre contribution en laissant le débat se poursuivre. L’enjeu est très important : sommes-nous encore dans une société qui peut dire à chacun « tu comptes pour nous et nous sommes prêts à t’accompagner jusqu'au bout » ?

Dans un contexte très troublé, marqué par la guerre en Ukraine, que signifie Noël ?

Mgr É. de M.-B. : Le grand message de Noël, c’est que Dieu vient jusqu’à nous pour nous montrer que nous avons du prix à ses yeux et faire en sorte que chacun puisse être un don pour les autres. Dans l’immense diversité des êtres humains, qui peut faire peur, parfois susciter des guerres, mais qui suscite aussi de la solidarité et de la fraternité, il est important que nous puissions tous nous regarder comme un don, comme un frère ou une sœur que nous pouvons apprendre à aimer en vue de l’éternité.

Le pape François doit se rendre à Marseille, en quoi cette visite serait profitable ?

Mgr É. de M.-B. : Ce sont toujours des moments stimulants et joyeux, pour les catholiques et pour beaucoup de Français. Le pape François est porteur d’un regard sur l’humanité dans sa diversité qui peut être vivifiant pour notre pays. Marseille, symbole de tous les défis de la ville moderne, n’a encore jamais été visitée par un pape et mérite de l’être.

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Les chantiers de la CEF
Après l’installation le 5 décembre du nouveau tribunal pénal canonique – compétent pour traiter des affaires pénales financières ou encore d’abus d’autorité ou de violences sexuelles envers des majeurs –, créé à l’initiative des évêques de France après le rapport Sauvé, le prochain chantier de la Conférence des évêques de France concerne les neuf groupes de travail lancés après l’Assemblée plénière de novembre 2021. La restitution de ces travaux, menés par des laïcs, diacres, prêtres, évêques et personnes victimes pour approfondir la réflexion sur les recommandations du rapport Sauvé, est prévue lors de la prochaine assemblée des évêques, au printemps.